L’amour avec un grand A…


On n’a pas toujours la chance de le connaître. On passe parfois une vie sans le toucher du doigt. L’amour, le vrai, celui qui fait battre le cœur bien plus qu’il ne devrait…

 

Le grand amour, celui qui bouge les fondations, avec lequel on se sent de taille à déplacer les montagnes. Je l’ai croisé un jour, il n’y a pas si longtemps. Il était si tendre, cet amour, déguisé en petite histoire passagère. La mascarade n’a pas duré, même si j’ai mis des mois à réaliser ce qui s’était joué là. Je me suis laissée entraîner, mon esprit, mon cœur ne m’appartenaient plus. Je me transportais dans un monde imaginaire où nous étions ensemble, et où tous les obstacles s’annulaient comme par magie. L’amour me mettait au défi de le suivre, et je lui ai tout donné. Je l’ai utilisé pour changer ce que j’avais de plus précieux en moi : l’amour que je me porte. Cet amour de l’autre m’a poussée dans mes retranchements, a déchiré l’enveloppe, brisé les barrières et anéanti les schémas. Ce grand amour m’a mise à nu, sans que je puisse rien faire pour m’en protéger. Il est impossible de se barricader quand il débarque : il demande tout, exige un don total, irrésistible, incontrôlable.

J’ai tenté d’oublier. De m’évader de cette prison mentale et émotionnelle. Rien n’y a fait. J’ai toujours gardé la trace indélébile de l’autre, et cela fait à présent comme une fenêtre dans le cœur, un endroit par lequel la lumière coule à flot pour éclairer tout ce qui est à l’intérieur. Je laisse cet amour recouvrir de douceur les jours trop longs, et apaiser les moments difficiles. Il est là et son souvenir indique un nord qui ne se perdra jamais et qui continuera de marquer les endroits par où il a consumé des bouts de moi.

Je garde en moi ces histoires inachevées et je suis reconnaissante à la vie de m’avoir fait vivre ces intensités mêlées d’émotions si fortes, si douces qu’elles en étaient indispensables.

 

Mieux vaut aimer d’un amour blessé, que de ne pas avoir aimé du tout…

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Instant présent

 

La fillette attend dans la rue. Il pleut à gros bouillons. Pourtant, elle ne s’impatiente pas, piétine sur le trottoir, et écoute avec ravissement le petit bruit sur la flaque formée par l’averse. Elle sait que sa grand-mère va bientôt descendre, et qu’ensemble, elles pourront aller se perdre dans les allées du jardin. Il ne s’agit pas de manquer ce rendez-vous, le rituel de 14h chaque dimanche. Quel que soit le temps, elles respectent le moment de bonheur pur. Alors s’il pleut, c’est bottes et on y va. Pas de chichi. Elle entend le pas léger dans l’escalier. Lise ouvre la porte de bois peint en vert, passe la tête.

— Tu es là Rose ? Prête pour la promenade ?

 

La petite fille fait oui de la tête, elle sourit, un sourire large comme un rayon de soleil à travers une baie vitrée. Elle est prête, bien sûr. Toutes les deux, elles marchent lentement, en se tenant la main. Pas question de manquer un seul détail de cet instant qui les nourrit toutes les deux.

 

Après une vingtaine de minutes, elles arrivent devant la grille du jardin. Une porte imposante, faite de métal peint en noir avec des arabesques compliquées qui font comme un moucharabieh élégant pour servir de cadre luxueux aux vieux arbres qui habitent l’endroit. Elles poussent la pièce de métal lourde dans un grincement. Pas un mot depuis le départ, le silence qui les relie se comprend tout seul, il se nourrit d’instants que les paroles ne pourraient pas rendre plus lumineux.

 

Et devant leurs yeux gourmands, les cils humides de pluie, elles traversent le jardin qui est comme un vieux fauteuil dans lequel on s’assied pour se reposer. Elles parcourent les allées bordées d’iris violets, s’émeuvent des jonquilles persistant à envoyer leur jaune d’or dans le temps gris, perçoivent les parfums subtils des fleurs de tilleul qui s’accrochent encore aux branches des arbres. Tout semble nouveau chaque fois, semaine après semaine, le miracle se reproduit, elles voyagent dans un palais invisible fabriqué de couleurs odorantes et de lumière filtrée par les branches des arbres. Cette promenade est un repos pour le regard, et la petite finit, comme chaque fois, par lâcher la main qu’elle tenait pour s’élancer sur les graviers des chemins qui serpentent entre les arbres plusieurs fois centenaires. Elle joue à s’abriter sous les chênes dont les larges feuilles toutes neuves font comme un plafond tranquille au-dessus de sa tête. Elle chante, et cela fait rire Lise, qui la gratifie d’un sourire gracieux. La fillette lève les bras, danse sous la pluie, court chercher le bouton d’une pivoine pour en observer la tendre percée, s’exclame qu’un autre ait déjà déployé sa corolle et repart poursuivre un merle venu chanter près d’elle.

 

La pluie rend ce décor lisse, comme s’il était tout juste né, et qu’il se déplaçait avec la grâce d’un danseur… Ah, si tout pouvait naître et retourner au néant instant après instant, pensait Lise. Elle s’agenouille et regarde Rose. Lui ouvre les bras. La petite se retourne et court vers elle. Se love contre sa grand-mère en humant l’odeur adorée. Cette dernière comprend que chaque moment donné doit être imprégné de conscience, et elle inspire avec application pour garder en elle l’instant qui vient de se frayer un chemin dans le flot du quotidien disgracieux. Elle ferme les yeux, remercie, et laisse repartir la fillette qui s’échappe de nouveau vers ses fleurs. Tout est parfait. Elle prend tout et il n’y a pas de tri à faire, juste les yeux à ouvrir, et le cœur pour remercier.

#instantpresent #nature #pluie #ecriture #beaute #fannycrouy

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Quelque chose attend…

Il s’est levé tôt. Comme à l’habitude. Il a mal aux reins. Comme chaque matin. Il pose les pieds par terre, le dos voûté. L’attitude de celui qui n’attend plus rien. Enfile les chaussons, se penche pour relever le bord au pied gauche. Le cœur bat lentement, comme anesthésié, gelé, alourdi par ce quotidien prévisible qui se déroule jour après jour. Il ne sait pas pourquoi, cependant, mais quelque chose attend aujourd’hui. Il a cette intuition lumineuse qui s’impose. Quelque chose attend, qui pourrait changer le reste. Mais d’où vient cette sensation ? Il l’ignore. Il s’en fout, au fond. On verra bien.
En attendant, il enfile la vieille veste de laine qu’il avait reçue d’Estelle, il y a trente ans déjà… Et déjà un an que son absence se fait sentir, jour après jour. Estelle qui a foutu le camp par la petite porte, après une maladie qui l’avait amaigrie et rendue presque transparente à force d’épuisement. Il sent tous les muscles de son dos en traînant les pieds jusqu’à la salle de bain pour se passer de l’eau sur le visage. Civette se trémousse et miaule pour avoir sa gamelle. Elle fait cela tous les matins. Elle n’a aucune patience. Il s’essuie lentement le visage, passe bien dans les sillons formés par les rides, sent le grattement d’une barbe de trois jours entraver le mouvement du tissu sur la peau et faire un petit bruit désagréable.
En descendant l’escalier, il tient la rampe. Il a des problèmes d’équilibre, depuis quelques temps. Ne songe pas à filer voir le docteur Lescot, qui lui répéterait qu’il faut aller faire des analyses. Il s’en fout, des analyses. De savoir comment il va. Estelle a foutu le camp, de quoi voulez-vous qu’il ait envie maintenant ? En ouvrant la boîte, il sait d’emblée que le meilleur de sa journée est là. Concentré dans l’odeur de café moulu. Un parfum qu’il adore. Cela lui rappelle immanquablement celui des cafés de Rome, où il avait adoré passer des moments avec Estelle quand ils avaient visité la ville, il y a si longtemps déjà… Rome et ses pigeons, ses rues en dédale, ses monuments omniprésents… Une ville musée. Une ville d’ambiance. Et le café. Serré. Parfumé. Délicieux.
La cafetière fait un petit bruit d’eau qui s’écoule en gouttes. Il soupire. C’est si long, ce temps qui passe. Civette miaoute encore, elle veut sortir. Il ouvre la porte fenêtre. Il va faire beau. L’horizon est clair, l’aube se montre, avec des pointes de jaune, de mauve, de rouge vif. Le lever de soleil devrait être radieux. Il s’en fout, au fond. Il serre les bords de la veste contre lui. En fixe la ceinture de laine. L’hiver au cœur, ça tient froid, la plupart du temps. Mais il y a l’espoir, pourtant. La petite Camille, qui vient parfois lui rendre visite, avec la fraîcheur de ses 7 ans. Elle aime bien venir lui parler. Il lui prépare un chocolat au lait, elle raconte des tas d’histoires, elle babille, un vrai rayon de soleil. Il oublie, alors. Pour quelques heures. Mais quelque chose attend. Qu’est-ce que ça peut bien être ? Le cœur sait, mais sa tête ignore le message, tout à son ego, tout à sa tristesse bornée.
Il se pose devant la table en bois. Met la montre cassée dessus. Apporte deux ou trois outils. Il va falloir réparer ça. Il est minutieux. Patient. Trop patient. C’est Estelle qui disait toujours ça : « Tu devrais l’envoyer paître, après ce qu’il t’a fait, tu es beaucoup trop patient ! ». La patience, cela sert souvent. Ça évite de prendre des décisions à la légère. De faire des erreurs. De presser le temps et de se planter. Même si, comme Estelle déclamait à qui voulait l’entendre que « Quand on se plante… ça pousse ! ». L’erreur, ça avait jamais été son truc, à lui. Se planter, cela ne faisait pas partie de ses projets.
La patience est toujours là, à lui tenir compagnie, quand on sonne à la porte. Il se lève, mal aux reins. S’étire et traîne les pieds jusqu’à l’entrée. Le facteur. Bonjour Monsieur Claret. Voici un courrier pour vous. J’aurais dû le mettre dans la boîte, mais je voulais savoir comment vous alliez. Il fait froid ce matin, non ? Un café ? Ah, c’est gentil ! J’ai ma tournée à finir, mais merci de proposer. Bon, bonne journée alors…
Le courrier est là, sur la table. Il n’ose pas y toucher. C’est sûrement cela, le truc qui attend. Le cœur, il se met à battre un poil plus vite, et il se demande pourquoi. T’emballe pas, coco, t’en as vu d’autres. Qu’est-ce qui pourrait bien changer avec un seul courrier ? Comment faire changer ce qui est parti pour durer des années encore, avec la mort au bout, comme un destin bien plié, à ranger dans une armoire qui sent l’antimite et le renfermé ?
Il se prépare à manger. Bientôt midi. Faut bien suivre le protocole. Il évite soigneusement la lettre, toujours posée sur le bord de la table. Il faudra sans doute l’ouvrir. Mais pas maintenant.
Il est vingt-trois heures. Impossible de dormir. Il a bien essayé d’oublier la lettre, mais elle a pris son esprit d’assaut et fait toutes les tentatives pour le pousser hors du lit. Alors il cède. Les pieds nus sur le carrelage, il avance vers la table. C’est froid. Ça sent encore le boudin du repas du soir. Il renifle. Attrape le courrier, dans l’obscurité, ça fait une tâche blanche. Retourne se coucher. Se glisse dans les draps chauds. Allume la lampe de chevet. Regarde la lettre, la tourne entre les mains, soupire. Finit par glisser un doigt maladroit à l’intérieur pour déchirer le bord. Soupire encore. Se demande ce qu’il fout là, dans le lit, tout seul, avec la lettre. Quelque chose attend.
Bien sûr qu’il n’a pas oublié. Aujourd’hui, c’était le jour de l’anniversaire de mariage. Cinquante ans avant, jour pour jour, il s’était marié avec Estelle. Elle avait vingt ans, lui vingt-trois. Ça se faisait, à l’époque, de se marier si jeune. Elle était si belle, avec ses beaux yeux en amande, sa coiffe blanche, ses cheveux bruns qui retombaient en boucle le long de son visage…
Il déplie le papier. Son cœur manque un battement. C’est son écriture ! Celle d’Estelle ! Quelque chose attend, qui le surprend au-delà des mots ! Elle déclame son amour, elle écrit qu’il lui manque, mais qu’elle est toujours là. Qu’elle lui demande de réaliser un dernier souhait. Qu’elle doit partir bientôt et que la lettre sera postée à la date qui convient, par une personne qu’il doit retrouver.
Il ne comprend pas. Relit la lettre. Et finit par voir le sens se dessiner petit à petit. Comme ces photos dans les bains de révélateur. Estelle a écrit avant de mourir, et a donné la lettre à une personne qui devait la poster pour qu’elle arrive le jour de l’anniversaire de mariage. Cette personne, tu dois la retrouver. Tu la connais. Elle a été chère à tes yeux. Elle t’attend. Elle sera là pour toi, comme je ne peux plus le faire aujourd’hui. Je t’en prie, vas la voir et ensemble, apprenez à vivre heureux.
Il replie la lettre, lentement. Le cœur s’est apaisé. Il a été baigné en quelques minutes d’une solution réparatrice, d’un baume enveloppant qui a guéri les vieilles blessures. Demain, il irait la voir. Il partirait retrouver Anne. Cette femme qu’il avait aimée passionnément avant Estelle, et qu’il avait dû quitter. Estelle, elle savait pour Anne et a réussi à la retrouver. Il fallait que l’amour puisse trouver à l’incarner ailleurs. Anne a mis un petit mot à la fin de la lettre. Elle est prête à le revoir. Elle est veuve aussi. Ils ont tellement à se raconter. Demain, il entendra son réveil sonner. Il s’habillera avec soin. Il se rasera, aussi. Et mettra peut-être de l’eau de Cologne. Pour sentir bon. Demain, quelque chose attend. Et c’est la première fois depuis un an. Depuis une éternité.
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Si seulement…

Une goutte tombe sur la surface étale de la fontaine en pierre. Un oiseau chante. C’est un nuage qui se reflète dans l’eau. Une feuille s’envole, tournoie, et moi je te regarde pleurer.

Je sens ta gorge serrée, ton ventre noué. Je n’ai pas besoin de tes mots, tes yeux suffisent. Voilà 10 ans maintenant qu’on ne s’est pas parlé. Dix ans à imaginer la vie que tu avais, les hommes que tu croisais, ceux qui t’avaient fait chavirer le cœur, ceux qui passaient juste une nuit, histoire que tu te rappelles que tu avais un corps, ceux qui te regardaient comme une catin, et ceux pour qui tu étais une pierre précieuse… Ceux-là, tu voulais les garder toujours, mais aucun n’est resté…

Une fleur s’abime en pétales dispersés par le vent. L’un d’eux se colle dans tes cheveux bouclés. Moi, je t’ai toujours trouvée belle. Belle comme un soir d’été humide, après la pluie d’orage. Belle comme une main abandonnée sur une épaule éplorée.

Tes larmes coulent, tu n’en peux plus et je te regarde, comme j’aurais aimé pouvoir le faire chaque heure de chaque jour depuis dix ans. Tu étais partie, tu avais laissé la clé sur la porte. Moi, j’avais le cœur à nu et c’était comme si tu avais marché dessus.

Les histoires les plus belles s’écrivent dans le silence. Tu n’as jamais compris que j’avais toujours été là pour toi. La brise soulève ta jupe fleurie, et les minuscules tâches de rousseur sur tes joues brillent des larmes que tu laisses couler. Une odeur de pomme trop mûre. Je passe ma main sur l’herbe, juste assez haut pour l’effleurer et je souris. Simplement. Je souris, je ne peux pas m’en empêcher. Je viens d’arriver à te dire que tu es et resteras toujours la seule pour moi. Toi, tu as pris ma phrase au vol, tu l’as regardée tourner sans comprendre pendant un long moment. Tu as fini par décider que c’était vrai. Tu réalises le temps perdu à se chercher. Celui, abîmé à force d’usure, à parcourir des draps où tu n’étais pas chez toi.

Un petit chat se pointe, qui minaude et se frotte sur ton mollet. Tu laisses ta main traîner pas loin, et il est là, qui se frotte, c’était prévisible.

Tu me regardes, enfin. Jusque-là tu visais l’horizon, avec tes yeux d’étang brouillé par les algues. Je sais que tu sais.

Tu me prends la main. Il n’y a jamais eu d’autre histoire. Tu as juste mis dix ans à le comprendre.

Je suis patient. Je restais là, tapi dans l’ombre d’histoires courtes, je savais que tu viendrais. On entend les cloches de l’église sonner, ça fait vibrer les pâquerettes tout autour de nous. Tu me regardes et ma main, tu la presses dans la tienne.

Tu m’embrasses. Enfin. La vie peut commencer, d’une autre manière. Une manière que j’aime.

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Ces miracles dont on ne se lasse jamais…

On en a vécu, des aventures… De la ruelle montréalaise aux pontons de Pointe à Pitre, des couleurs des érables dorés à celles de la mer aux Bahamas… Et puis ces moments de route sur les sentiers de Stevenson, les chemins de la Loire à vélo, le bivouac dans les Pyrénées, les petites soirées raclette et les grandes tablées dans la famille. Les instants partagés, et ceux où je vous regardais grandir du coin de l’œil, quand vous partiez pour devenir un peu plus libres loin de moi. Tous ces bouts de temps passés avec vous sont des morceaux colorés sur le tissu de ma vie, qui forment le dessin le plus beau que j’ai jamais réussi à composer.

Vous êtes des hommes debout, je ne voudrais différents pour rien au monde.

Vous m’avez appris à être mère, et je poursuis mon apprentissage, un jour après l’autre. Vos sourires, vos larmes m’ont construites et m’ont émue, je ne me lasse pas de vous regarder vivre. Vous êtes des lumières dans les petits univers dont vous êtes le centre, et vous éclairez mes pas autant que je peux éclairer le vôtre, peut-être.

Je me souviens de tout, les câlins aux bébés que vous étiez, les jeux de bisous, les courses folles dans la forêt, la pêche sur le bateau, les soirées crêpe, les descentes de ski à toute vitesse ou sur les fesses quand on ratait le virage, les promenades au bord de l’eau à La Rochelle et les festins de glace sur l’île du Prince Edouard, les rires de partout et ces interminables soirées film/pop corn qui nous permettaient de régaler l’âme et de nourrir l’imaginaire…

Aujourd’hui, vos sourires ont un peu vieilli, ils sont devenus matures, ouverts, et posés. Restent les câlins, ceux que vous continuez à donner sans retenue et que j’accueille avec une gratitude qui frise l’indécence…

On a vécu des aventures incroyables, et la plus belle de toutes, c’est bien de vous avoir mis au monde…

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Aux femmes de ma lignée

En tant que thérapeute, je remarque un phénomène touchant… Les patientes que je suis (car elles sont le plus souvent des femmes) arrivent toujours, au terme d’un long travail sur elles, à travailler sur leur lignée. La lignée des femmes qui les ont précédées. C’est une expérience que je fais aujourd’hui, après des années de retour sur mon identité, sur les fondations nouvelles de la vie que je choisis pour moi… Je connais des bribes, des petits bouts d’histoires de ces femmes qui habitent ma famille. J’en perçois les souffrances, les mots tus, les erreurs, les transpirations invisibles. J’ai écouté, prêté l’oreille à ce qui n’avait pas été dit. Le cœur, l’intuition ont perçu les silences lourds, et les cris qui n’avaient jamais été poussés. Comme une chaîne de douleur qui s’est prolongée, en filigrane, jusqu’à moi, jusqu’aux femmes de ma génération. J’ai perçu dans ma vie la trace de ces pertes de liberté, de ces limites qui ont pu, à maintes reprises, contraindre mes choix et les cantonner à des cadres bien trop petits…

Le travail que j’ai réalisé depuis quelques années, c’est un peu le leur. Je casse les schémas. Par conflit de loyauté, je peine à laisser au sol la chaîne qui les reliait. Comme si je me sentais coupable de les abandonner à leur sort… Je sais, je sais bien au fond, que c’est un lien puissant et d’une tout autre nature, qui va les relier désormais entre elles. Un lien doux, sain, un lien qui n’étouffe ni n’éteint. Mais il faut d’abord casser la chaîne et qui suis-je, moi, pour le faire une bonne fois pour toutes ? Je le fais, c’est indéniable. Je m’affranchis des règles invisibles qui ont pu régir leurs vies, à leur insu. Je fais péter le cadre, toujours trop petit et ce depuis le départ, pour la grandeur qu’elles auraient pu manifester, déployer. Ce qu’elles ont fait malgré tout parfois, jusqu’à un certain point. Ce point, je veux qu’il recule désormais. Je ne me donne aucune limite, car je sais qu’il n’en faut pas. Ou alors celles que je me choisirai, si je le juge nécessaire.

Car il y a un temps pour pleurer, et il y a un temps pour guérir. Un temps pour raser, un temps pour construire. Je vais donc construire, et le faire la joie au cœur, car de me libérer de mes vieux schémas m’autorise à le faire pour elles, qui n’ont pas toujours eu cette chance. Je le fais également pour les femmes qui prendront ma suite, mes petites filles peut-être… ? Ce travail de schémas que l’on casse pour soi, il atteint finalement toutes les générations et libère le monde. L’enjeu en vaut la chandelle.

 

Merci à toutes ces femmes qui m’ont précédées de m’avoir guidée, de me réchauffer de leur présence, de leurs encouragements muets, jour après jour, quand les doutes refont surface et que la route est dure, chaotique, sèche comme un désert de sable. Je sens votre amour et cela m’aide à poursuivre. A nous toutes, on va arriver à se libérer des vieux tissus qui ont étouffé nos vies, notre créativité, notre intuition et nos parts féminines si précieuses…

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Une fin de journée d’août 2020…

C’est une fin d’après-midi d’été. Je suis assise sur le sol nu. Un lino vieillot qui a des trous par endroits. La peinture sur les murs est défraîchie, abîmée. Dans la cuisine, le papier peint a des couleurs de vert anis passé, un motif démodé. Je n’ai même pas pris la peine d’ouvrir tous les volets. J’ai le dos au mur. Dans tous les sens du terme. C’est un de ces moments dans l’existence où tout se casse la gueule. Je suis là, par terre, et je pleure, dans la pénombre. Seule. Pour la première fois, seule. Vraiment totalement seule. Quelque chose que je n’ai jamais vraiment connu… Peut-être un peu, vingt ans auparavant, lorsque je m’étais retrouvée sans domicile lors d’une année en Angleterre : une mauvaise organisation en transition de fin de trimestre, j’avais dû chercher une piaule en quelques jours et je dormais chez une copine. Mais à cette époque, je n’étais pas seule, pas vraiment. Là, je suis obligée de considérer le désarroi qui me gagne à respirer avec difficulté dans cet appartement vide que je viens de louer. Il fait trop chaud. Je transpire, je me sens vide, mal, bousculée. Ne sachant plus où me réfugier dans cette vie que je ne connais pas encore. Que j’ai pourtant choisie, sans savoir ce qu’elle pourrait offrir. Je quitte mon mari. Je laisse mes enfants flotter derrière. Je me sens terriblement coupable. Et pourtant, la partie de moi qui a décidé de partir sait que j’étais en train de mourir. Et plus du tout à petits feux… Je me délitais dans cette vie où je n’existais plus.

Je sens le sol inégal sous mes mains, je sens les odeurs de renfermé me lever le cœur. Je perçois dans le ventre cette sensation terrible de manque. Le manque de moi, d’espoir, de certitude. Je sais qu’il fallait changer, mais avec en plus l’annonce récente de ma maladie, le sac est un peu trop lourd à porter. Seule. Je pleure un coup.

Puis je relève le nez. L’apitoiement n’a jamais été trop aidant, je m’en suis souvent rendue compte… Il fallait ce sursaut, à moi de l’assumer à présent. A moi de meubler cette maison neuve, de m’approprier cette nouvelle vie que je veux pour moi. A moi de cultiver l’espoir qui me manque aujourd’hui, un jour après l’autre, comme une petite plante qu’on arrose parce qu’on a besoin de la voir grandir, prendre de l’ampleur, de l’espace… A moi d’écrire le scénario de cette nouvelle vie qui m’attend, une vie où je n’ai plus envie d’être dans l’ombre de quelqu’un, où je veux apprendre coûte que coûte que mon bonheur, il ne tient qu’à moi et que je suis capable de le créer toute seule, justement. J’ignore totalement de quoi sera fait mon futur, ni sur quoi je m’appuierai pour avancer sur ce chemin. A part mes enfants, ma famille retrouvée, quelques amis chers, le reste je ne sais pas. Je ne sais pas non plus comment va se dessiner ma nouvelle carrière. Quand j’y repense, dans le bruit des camions qui passent en bas et menacent de faire péter les vitres de l’appartement, j’aurais vécu en quelques semaines les plus gros stress d’une existence… Changement de lieu de vie, de travail, de situation familiale, deuil d’une santé que je croyais immortelle, j’aurai aussi à vivre le décès d’une personne chère dans les mois qui suivront… Comme si la vie me mettait au défi de me relever après tout ce déballage de difficultés. Comme si j’en étais capable, capable de transformer le plomb en or, la vie brouillée en éther…De toute manière, je n’ai pas le choix. Il faut avancer, recommencer à planter des graines, sourire de nouveau, et embrasser cette vie que j’ai choisie pour moi, apprendre, me tromper, trébucher encore et toujours, me relever encore et toujours… Je sais, de façon diffuse et intuitive, que je vais trouver là une clé fondamentale. Toucher ultimement à cet espace de calme et d’amour que l’on a tous en soi. Que je vais finir par trouver la source de la joie, et que cette dernière est en moi à présent. Tout est à construire, et c’est peut-être là que réside la plus grande liberté. Seule, mais avec moi désormais.

 

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Donne-moi quelque chose qui ne meurt pas…

Je suis en train de lire S’aimer enfin ! de C. Fauré. Cet auteur m’accompagne de ses livres depuis plusieurs années. J’avais lu d’abord son livre sur la crise du milieu de vie. C’est en relisant un des passages que, le 2 janvier 2020, j’ai pris la décision de divorcer de mon mari, après 25 ans d’existence partagée. Une décision irrévocable, et que je n’ai jamais regrettée, puisqu’elle m’a permis de connaître le bonheur que je connais aujourd’hui… J’ai aussi lu celui qu’il avait écrit sur la crise du couple et qui m’a aidée à envisager la séparation, à l’intégrer. Aujourd’hui, ce livre que j’ai entre les mains résonne une fois de plus d’une manière particulière… Car le chemin de vie qu’il décrit, le sien, est en écho parfait avec le mien. Bien sûr, je n’ai pas passé 2 ans dans un monastère bouddhiste, je ne médite pas plusieurs heures par jour… Mais je commence à entrevoir, à percevoir, les états qu’il décrit lorsqu’il évoque cette partie en lui qui reste stable dans la grande difficulté.

 

Après 2 ans d’un voyage chaotique où j’ai touché du doigt la grande solitude, des difficultés physiques et émotionnelles que je n’avais encore jamais connues, des impasses et la confrontation avec mes vieux schémas, mes parts les plus sombres… voilà que j’arrive à une étape. C’est un peu le temps de repos avant la course folle qui devrait enchaîner, je le pressens depuis quelques temps. Ce repos, je le veux salutaire, tranquille, rempli de la conscience du chemin parcouru… J’ai eu le sentiment, durant 2 années, d’être un pantin désarticulé tant les vagues qui m’ont secouée ont pu être violentes parfois. Mais j’avais la volonté tranquille de ceux qui veulent aller au bout. J’y suis allée. Au bout du schéma qui m’avait rendue aveugle et qui s’est finalement déchiré comme un voile, me permettant de voir ce qui demeurait jusque-là invisible. Au bout de mes espoirs, de ces trahisons envers moi-même, des pans d’un passé peu brillant que je voulais me cacher… Au bout de ma fatigue, et de ces moments où l’ego perd pied et fait n’importe quoi, est prêt à tous les discours pour revenir à ce qu’il connait. J’ai tenu bon. Grâce à mes amis, ma famille, à ces podcasts sur la spiritualité, la loi de l’assomption… Grâce à des heures passées à marcher, durant des kilomètres, pour faire avancer la connaissance que j’avais de moi, pour remuer et oxygéner ces pensées qui avaient besoin de s’aérer… Grâce à l’homme que j’ai aimé et qui m’a permis de comprendre combien il était vital de ne plus faire de concessions sur celle que j’étais, de m’accepter moi-même telle que j’étais pour que, plus jamais, aucun homme ne soit le prétexte que je choisis pour me perdre à mes propres yeux.

 

Je me suis appuyée sur cette expérience pour devenir enfin la personne que j’étais vraiment. J’étais déterminée à dépasser toutes mes limites pour incarner enfin celle que je voulais être. Pour être dans cet endroit, quelques mètres sous la surface du lac. Ce niveau à partir duquel l’eau ne bouge pas, quel que soit le temps, quels que soient les vents et les vagues qui s’énervent au-dessus. Je voulais connaître cet espace tranquille qui ne s’émeut pas des événements qui se jettent sur la surface du quotidien. Je suis en train de trouver cela. Et ce coin dans ma conscience, il ne dépend de personne, il est vierge de toute influence, je m’y réfugie désormais lorsque j’en ressens le besoin. Ce que décrit C. Fauré dans son livre, c’est cette quiétude qui ne doit rien à personne et qui est là, en chacun de nous, lorsqu’on enlève toutes les couches qui en obstruent l’accès. C’est ce que j’essaie de montrer du doigt à mes patients lorsqu’ils cheminent vers eux-mêmes. Certains le trouveront. D’autres pas. C’est ainsi. Mais me revient souvent ces temps-ci le magnifique titre d’un livre de photo de Boubat avec les écrits de Bobin : « Donne-moi quelque chose qui ne meure pas ». Je pense qu’avec ce voyage de 2 années au cœur de moi-même, je me suis trouvée, et j’ai mis la main sur quelque chose qui ne meure pas…

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Serendipity

Il paraît que le hasard existe. Je n’y crois plus depuis longtemps. Je crois à de minuscules chaînes d’événements qui se tissent ensemble dans un but inavoué que l’Univers conspire à établir pour nous. Toujours dans une optique heureuse.

J’en étais là, à préparer à la dernière minute mon petit voyage. J’avais décidé de passer quelques jours dans le sud, improvisation totale car j’apprends à lâcher prise et je m’entraîne pour cela. Petit exercice donc. Je lance ma proposition de trajet sur blablacar, la veille de mon départ, qui devait démarrer à 6h. A ma grande surprise, un jeune homme est intéressé par le voyage. Je dois le prendre vers Valence. Qu’à cela ne tienne. On se retrouve au parking relais. Il a la mine des voyageurs, plusieurs gros sacs, de ceux que traînent les baroudeurs chevronnés qui ne veulent rien devoir à personne, qui s’adaptent à tout et font feu de tout bois. Il entre dans la voiture, on commence à papoter. Il répond volontiers à mes questions, me parle de lui. De ses études à Sciences Po. Comme moi. De son choix de partir voyager. Comme moi. De sa vie sur des bateaux. Comme moi ! C’en était presque comique tant nos trajectoires se répondaient ! Alors quand j’apprends qu’il cherche à acheter un bateau, je lui parle de mon livre sur le sujet : Femme(s) à la Mer. J’y fais notamment un chapitre sur le choix du bateau pour faire le tour du monde, et sur les manières de l’aménager. Et je détaille un peu. Il m’arrête. Ce livre, il l’a lu !!!! Il a lu mon livre, alors qu’il naviguait sur le bateau d’une famille qui venait de La Rochelle. Sans doute une des personnes à qui j’avais vendu mon bouquin sur un salon nautique l’année de sa sortie, en 2016 ! Le moment est simplement ahurissant. Et me fait rire. Ce clin d’œil de la vie est tout simplement incroyable… What are the odds ??? J’ai laissé Noé à son point de destination avec un sourire en coin et de la gratitude pour le moment partagé. Tout cela est comme un joli cadeau, emballé pour moi par l’existence. Je prends !

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Parlons d’amour !

It’s been ages since I last wrote something in this blog !

Je vous pose le décor ? Petit spectacle de rue à Saint Genest Lerpt. Une toute petite femme enceinte avec un sourire immense, une chatche d’enfer, un short en jean et un T shirt qui moule son joli ventre. Lui, il arrive avec une barbe de 4-5 jours, un anneau à une oreille. Les deux parlent d’amour. Nous, on est là, à écouter ce spectacle qui semble être simplement un dialogue entre eux, au début. Ça parle d’amour. De ce qui nous échappe, la plupart du temps. Ils redisent comment ça fait, au début. Et pourquoi ne pas tomber en amour avec tous nos voisins ? Qu’à cela ne tienne ! Bien vite, tout le monde se met à la queue leu leu, on forme un cercle, puis un cercle dans le cercle, et nous encourage un troisième larron, jeune et moustachu, un peu le look de Freddy Mercury, qui se balade entre les gens, dans le chemin laissé libre entre les cercles formés par nous, toujours en file. Il est vêtu d’un slip rouge vif flanqué d’une paire d’ailes argentées en tissu synthétique, de chaussures à la romaine qui remontent haut sur les mollets, et il a des gros cœurs roses peints sur le torse, des boucles d’oreilles en forme de cœur… Le gars nous parle d’amour. De ces moments épars où l’amour se balade entre les gens, et de nous à qui il incombe de le faire vivre, enfin !

Après un moment à tourner comme ça, il nous fait nous arrêter. Et près d’une petite centaine de personnes, en cercle, se prennent les mains. On attrape celle du voisin, de la voisine. On ferme les yeux.

Il nous emmène en voyage. Il nous fait revivre un moment d’amour. Un moment où nous avons été amoureux. Alors, je vous le propose : attrapez donc là tout de suite un moment où vous avez été amoureux. Un instant de votre vie, où vous aviez les papillons. Laissez remonter le souvenir… Retrouvez les odeurs de cet instant volé aux ailes du temps. Les bruits, autour de vous. Quelles étaient les sensations, la façon dont le corps était installé, ce que vous pouviez voir… Moi je me suis rappelé un moment précis. J’y étais. Au milieu de cette place, avec tous ces gens qui voyageaient dans leurs souvenirs, j’étais dans les bras de ce chéri dont j’étais amoureuse. Ce n’était pas un moment extraordinaire de notre histoire, juste un moment dont je me souviens, qui était précis et chéri dans ma mémoire. J’ai laissé quelques larmes baigner mon visage, parce que c’était beau, c’était bon de se retrouver dans ce temps suspendu pour quelques secondes.

Où sont les moments d’amour ? Qu’en faisons-nous ? Les laissons-nous partir, ou bien sommes-nous à jamais capables d’en faire une petite suite heureuse et qui se niche joyeusement dans tous les recoins du quotidien ? Ce spectacle, je l’ai trouvé terriblement touchant. Simple et authentique. Bienvenu après ces mois de confinement où les gens ne se touchaient plus, où chacun allait son chemin en faisant un détour pour ne pas être en contact. Retrouvons le sens du contact, de la chaleur humaine. Et déployons l’amour dans toutes ses formes. L’amour amoureux, mais aussi l’amour filial, l’amitié, l’amour qui se vaporise dans une conversation avec des inconnus, celui qui s’infiltre dans un sourire au détour d’une rue, l’amour simple qui se transmet par la voix, le geste, le regard…

 

Le spectacle était de la compagnie Superfluu (https://www.cie-superfluu.com) sur lequel on peut lire cette très belle citation :

“On peut consolider la falaise d’où l’on va sauter, mais pas le vide dans lequel on s’élance.” Eugène Lion.

Et, à tout prendre, Eugène a raison : l’amour c’est un vide que l’on ne pourra jamais consolider… A un moment donné, il faut se lancer !

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