Gens de mer, marginaux en bateau?

Miette, petit chaton à donner…

Ces derniers jours ont été bien remplis. D’abord, nous avons un nouveau membre d’équipage, dont l’arrivée inopinée a ravi nos 3 affreux. Sur un stationnement de la marina du Marin en effet, se terrait un chaton qui logeait péniblement sous des voitures garées là. Il avait miaulé une fois alors qu’on passait à côté, mais pas moyen de le faire sortir de sous ses abris improvisés. Pourtant, il paraissait d’une maigreur affolante et devait probablement souffrir de la chaleur étouffante du moment. Peu après, armée de mon homme qui a un truc avec les animaux, je parviens à le récupérer. Ben n’a eu qu’à tendre la main pour l’attraper, alors que je m’échinais à le faire sortir de force depuis 2 jours… Bref, nous souhaitions renflouer la bête pour lui trouver une famille par la suite. Miette, ainsi que je l’ai surnommée tant elle est minuscule, est un chaton adorable. Assez faible et méfiante au début (on suppute que c’est une femelle, mais on est pas des spécialistes ;-), elle s’est jetée sur l’eau et la bouffe qu’on lui proposait et reprend du poil de la bête à une vitesse stupéfiante. Depuis 3 jours qu’elle est avec nous, elle a déjà commencé à développer une petite bedaine bien sympathique et est devenue très TRÈS joueuse ! Ce qui convient parfaitement à nos 3 moustiques, à qui notre chat Élie, laissé au Québec, manque beaucoup. Bref, tout le monde semble satisfait de cette situation, même si chaton en bateau craint l’eau ! De fait, il y a deux jours, nous avons enteriné une nouvelle forme de proposition de service : la journée en mer. Pendant la navigation, Miette a été malade… comme un chien ! Elle a vomi ses tripes une bonne fois, et s’est réfugiée, de guerre lasse, dans un petit coin du bateau qui bougeait moins qu’ailleurs. Le tout après avoir pris à plusieurs reprises notre lit pour une litière géante, avant de comprendre que la litière n’était pas un simple bac à sable…

N’empêche que ladite journée a été parfaite, confirmant que la formule pourrait en convaincre quelques uns de tester Lam! En fait, Ben est tombé totalement par hasard mercredi dernier, dans les rues de Sainte Anne, sur un ancien collègue de Rio Tinto en visite avec sa petite famille ! Ils commencent à discuter, finissent par atterrir sur Lam pour souper, et décident qu’ils seraient bien tentés par une journée en mer. Alors nous avons arrangé la chose dans les règles de l’art pour les accueillir : départ de Grande Anse d’Arlet, où Ben est allé les pêcher au ponton à dinghy. Ils débarquent à 5 : Bernd et Marie-Claude, avec leurs trois enfants, Julien, Thomas et Elsa. Petite baignade à 9h, histoire de se rafraîchir, puis cap vers le Diamand. Mais, étant donné les vents assez forts, et pas forcément pour nous, on finit par revenir tranquillement vers la petite anse d’Arlet afin de manger là-bas et de faire du snorkelling. Sur la route, rencontre inopinée avec un groupe de dauphins !!! La joie est totale, Ben tire des bords pour aller les rejoindre là où ils s’ébattent, le petit jeu dure au moins une demi heure, et nos invités sont ravis !  Petite anse, où nous dégustons un déjeuner créole : boudins noirs du coin, poulet colombo que j’ai cuisiné la veille, gateau à l’ananas. Petite plongée pour observer les poissons du coin, puis on réembarque pour filer à l’anse Dufour. Belle voile et, après vers la fin de l’après-midi, on arrive en vue de l’anse, alors ornée de deux arc en ciel magnifiques. Dans l’anse, baignade, on aperçoit un troupeau de poulpe, l’eau est belle, le mouillage splendide. On repart en fin de journée pour retrouver la grande anse d’Arlet pour finir au resto dans un bouiboui du coin. Ça ressemble furieusement à une journée parfaite. Les enfants de nos invités se sont aussi mis à la voile, ont barré en compagnie de Ben qui leur en a enseigné les rudiments. Expérience réussie, donc, et que nous avons hâte de renouveler !

 

Retour sur un texte publié il y a quelques jours, et dans lequel je faisais part de mes réflexions sur notre statut tout neuf de ‘marginaux’. À ma grande surprise, ce texte a suscité plusieurs réactions, et ce de la part de personnes que l’on connaissait, et d’autres non. Le fait que mes écrits provoquent ainsi des réponses justifie pleinement à mes yeux la poursuite de cet échange qu’est l’écriture d’un blog. Surtout, cela me cause une joie difficile à décrire, moi qui écris dans mon coin depuis tant d’années ! Ce matin, je suis partie faire une ballade dans le morne qui surplombe la grande anse d’Arlet. Moment hors du temps, à grimper en pleine nature, sur un sentier escarpé et totalement désert, avec des points de vue qui se perdaient dans l’horizon bleu de la mer. Et cette marche m’a fait avancer un peu plus dans cette réflexion sur le caractère unique de ce que nous sommes en train de vivre. J’ai évoqué le terme ‘marginal’ pour mieux décrire ce statut spécial que nous avons acquis en quittant nos attaches terrestres. C’est vrai que ces choix de vie nous mettent en marge, dans le sens de « à côté de ce que fait le plus grand nombre ». Mais dans le fond, je suis convaincue qu’au-delà du fait de se définir comme différent, notre démarche est d’abord et avant tout personnelle. Il s’agit ici de suivre ce qui nous fonde profondément, de ce qui nous anime en tant qu’individu. Un exemple tout bête : lorsque j’ai accouché de Théo, mon fils ainé, je l’ai fait à l’hôpital, comme la très grande majorité de mes congénères féminines. Un peu par manque d’alternative (j’ai émigré au Québec en étant enceinte de 4 mois), un peu pour me rassurer face à cet événement impressionnant que constitue le fait de mettre au monde pour la première fois. Finalement, à l’issue de cette expérience, j’ai voulu autre chose pour mes autres enfants. Sacha et Laé sont donc nés en maison de naissance, sans péridurale ni environnement médicalisé. Choix personnel et qui me ressemblait beaucoup plus. Dans cette démarche, il m’a fallu passer outre mes peurs, assumer la conscience aigue que j’avais des risques encourus, même s’ils sont très limités, en réalité. Il a fallu, surtout, aller contre la grosse majorité des femmes de la société à laquelle j’appartiens et qui me répétaient pour certaines que c’était de la folie pure, souffrir pour rien, prendre des risques pour le bébé, etc. Finalement, j’ai suivi mon idée, parce que je sentais confusément que j’avais besoin de me dépasser, de vivre quelque chose d’unique et de différent. Et force est de constater que cette expérience reste une des plus fortes et intenses que j’ai vécues. Mettre au monde un enfant de façon naturelle m’a permis de développer une confiance en moi, une croyance dans mes propres capacités que je n’aurais jamais crue possible. J’ai eu un autre rapport avec mon corps, aussi. Et je sors de ce vécu plus forte que jamais.

Cette expérience se rapproche beaucoup à mes yeux de celle que nous vivons. Être en marge, dans ces conditions, consiste à trouver ses propres réponses face à l’existence, en dehors de ce que les gens choisissent généralement. Hors des sentiers battus, il faut tout inventer. Il y a une notion de risque, que beaucoup refusent de nos jours d’assumer. Rester dans le connu est plus fort et plus confortable pour la plupart des gens, au risque de perdre ce qui nous fonde et nous définit profondément. C’est pour sortir de ce connu là que nous sommes partis. Et finalement, le choix du projet importe peu. Qu’il s’agisse de monter sa boîte dans la fabrication de bijoux faits main, d’aller conquérir tous les plus hauts sommets de la Terre, ou encore de tout plaquer pour aller aider les gosses paumés dans les rues, il reste que se lancer dans ces aventures est simplement un moyen de se dépasser. Une façon de faire partie du grand tout, en développant ces côtés de soi qui nous définissent et qui nous sont trop souvent inconnus. Alors se dire marginal, pourquoi pas. Si tant est qu’on puisse continuer de revendiquer cet élan vital qui nous fait accomplir ce qui nous anime et nous fait vivre. Il reste que ces chemins sont souvent originaux, sortent de l’ordinaire, parce qu’ils sont autrement plus difficiles et exigeants, chose qui rebute la plupart des gens pour qui la sécurité du connu n’a pas de prix. Les gens m’ont souvent dit, ainsi, que j’étais « courageuse » d’avoir repris les études à l’université à 30 ans en ayant 3 enfants. Mais je réponds toujours à ceux-là que pour moi, le vrai courage, c’est de rester dans une vie qui ne nous plaît pas. Car cela demande une énergie considérable, de s’astreindre à rester dans un cadre qui ne nous convient pas. Tandis que l’énergie requise pour réaliser des choses qui nous font grandir n’a pas de limites et semble même inépuisable. Mais, dans la vie, tout n’est-il pas une question de choix ?!

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2 réflexions au sujet de « Gens de mer, marginaux en bateau? »

  1. Bonjour à tous,
    Je lis religieusement tous vos newletters durant mon heure de lunch au bureau. Après chaque lecture, j’ai le goût de commenter, mais je préfère toujours attendre d’être à la maison pour montrer la newsletter à Gloria et la faire participer dans la rédaction de notre réponse. Malheureusement, dans la folie du quotidien nous n’ouvrons l’ordinateur qu’à des fins strictement utilitaires (Canada 411, Mapquest, Espace.mu…). Ceux qui me connaissent savent qu’on doit m’écrire au bureau pour être lu et répondu. Tout ça pour dire que je n’attendrai donc pas plus longtemps pour vous donner aussi de nos nouvelles.
    Gloria a énormément grandi cet été, physiquement et psychologiquement. Elle perd doucement ses allures de fillette et dégage de plus en plus de maturité. J’ai commencé à lui donner quelques responsabilités : sortir les ordures et le recyclage, tondre la pelouse et aider à la vaisselle. Je dois dire que Gloria fait preuve de plus en plus d’autonomie. Durant la dernière année scolaire, je ne l’ai pas suivi du tout. Elle s’occupait d’organiser son temps pour faire ses travaux scolaire. Dans cette école où l’enseignement se limite aux exigences du gouvernement, Gloria a terminé l’année en haut de la moyenne de la classe dans toutes les matières, sauf en science ou elle s’est retrouvée légèrement sous la moyenne. Son estime d’elle-même est très forte. Alleluia! Les stimuli positifs l’auront emporté sur sa dyslexie. Gloria maintient le contact avec ses best friends de Montréal, Léa et Florence (surtout Léa). Elle vient d’ailleurs de planifié une vente de garage qui aura lieu chez-nous, avec Léa et une autre copine. Elles veulent vendre leurs jouets et se faire des sous. Belle initiative! Elle pense déjà à toute l’organisation, les annonces, ect.
    Sur une autre note, j’ai décidé de changer un peu mon pattern familial. Bien que nous ayons une vie sociale est bien remplie (surtout Gloria), il y a bien peu de nouveauté dans ma vie. Nous côtoyons la famille et les mêmes amis. C’est correct, mais faire de nouvelles rencontres et prendre du temps pour moi me ferait du bien. Durant ces 11 dernières années, j’ai fini par oublier ce que j’aime, ce qui me fait plaisir. Dimanche dernier, j’ai offert à une autre maman célibataire de faire comme les couples séparés. Je prendrai sa fille un week-end sur deux et elle aussi, nous laissant à chacune un week-end juste pour nous. Marie-Josée (la maman) a accepté sans aucune hésitation. Nos filles s’entendent à merveille et elles sont ravies de ce nouvel arrangement. Nous commençons cette semaine. Demain matin, Gloria partira avec son sac pour le week-end et elle reviendra dimanche soir. J’avais prévu un week-end à Gatineau chez mon cousin avec Gloria et le chien. Finalement, j’irai seule avec Katou (c’est un toutou merveilleux, merci). Pour les prochains week-ends, je compte bien faire autre chose que de visiter de la famille. J’abrège car je dois retourner au boulot.
    Fanny, te lire est un réel plaisir. Je vous embrasse tous, surtout les enfants que je trouve adorables.
    Bisous,

  2. Cette petite voix qui me pousse toujours vers l’avant, cette curiosité insatiable de l’Autre, c’est exactement ça, un “élan vital”. Dit ainsi, ça me fait penser à un poème de Saint-Denys Garneau:

    “Mais laissez-moi traverser le torrent sur les roches
    Par bonds quitter cette chose pour celle-là
    Je trouve l’équilibre impondérable entre les deux
    C’est là sans appui que je me repose.”

    (et surtout cette dernière phrase: “C’est là sans appui que je me repose”.)

    Merci Fanny.

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