Les voyages en train sont toujours un moment que j’attends avec un bonheur inavouable. C’est un temps particulier où, pour peu que les voisins soient tranquilles, on a la chance de voir s’aligner une succession d’instants sans interruption d’aucune sorte. Sésame pour une rêverie autorisée, quand bien même on s’arme, en s’installant à la place assignée, d’un ordinateur pour écrire ou d’un bouquin sérieux à lire. C’est ce moment singulier où l’on peut sans trop de mauvaise conscience laisser l’esprit faire des chevauchées fantastiques sous l’égide de quelque dieu du rail, et reposer l’âme dans un mouvement régulier qui tranche avec la folie du temps rétréci d’un quotidien sans air.
Ainsi donc, je vous livre ici quelques rêveries écrites par ma main indolente un jour de voyage en train, alors que le temps était merveilleusement incertain et les lumières affolantes. Des images empruntées dans une poignée de seconde, alors que le train file à 300km/h et qu’on perçoit ce qui est alors que cela n’est déjà plus. De l’instant mué en haïkus indisciplinés. Bon voyage, et merci la SNCF parce qu’avec elle, cela aussi, c’est possible!
Rideau d’arbre se déroule en ruban
Et avec l’or des feuilles d’automne
Le soleil allume ses feux follets
Nuages lourds d’un horizon outragé
D’autres, ourlés de lumière,
Dodus comme des plumages incandescents
Maïs jeune, au sommet filandreux
Qui éclate en bouquets
Le long de lignes sages dessinées par la colline
Montagnes anciennes au loin,
Mangées de vert sapin
Parcourues de l’ombre mouvante de nuages paresseux
Un arbre, seul, conquérant d’un champ immense
Rescapé du désordre et qui trône tel un prince
Dominant la rigueur uniforme de l’herbe sage
Haie prolongée, habitée d’arbres épars
Tout à coup la maison à tourelle, dépendance et jardin,
Écrin d’une pierre étincelante, évanouie dans un souffle
Le gris plombé du ciel au loin écrase
Mais l’horizon édenté de maisonnettes,
Surmonté d’un bleu clément lui résiste
Le chemin s’enfuit à travers champ
Lumineux d’une averse passée
Et la petite haie qui lui court après, remontant la colline
Un nuage promène son coton
Emmitoufle le champ labouré
Mais des fils en tombent soudain
Grands rideaux de pluie qui s’effilochent
Rencontrant furtivement la lumière
A la faveur d’une route humide qui s’évanouit au loin
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Daddy