Le chien: le meilleur ami… de qui, déjà?

Il est mignon, mais ne vous y fiez pas... c'est une fripouille!

Il est mignon, mais ne vous y fiez pas… c’est une fripouille!

Ben voulait un chien. Mais… très fort. Très, très fort. Depuis longtemps. Déjà, dans sa famille, un chien était arrivé après le 5ème enfant, on l’avait donc logiquement appelé… Six (prononcez « Sixe »). Et puis Ben avait pointé de bout de son nez de bébé à l’époque, et le prénom du chien avait alors perdu de son actualité. Pas prévu au programme, le minot, contrairement au chien. Sans doute, Ben a voulu rattraper ce pied de nez.

Il avait donc mijoté cela longuement, mais avec notre vie par monts et par vaux, n’était pas encore passé à l’attaque. De ma petite volonté, s’entend. Il avait préféré (sagement), attendre que je sois dans de bonnes dispositions. Ce qui n’était pas encore le cas. Qu’à cela ne tienne ! Il avait suffi d’un petit tour sur le marché de Noël de Tours il y a quelques semaines. On marchait bien gentiment en famille au milieu des maisonnettes d’artisans variés, avec des chants de circonstance qui traversaient l’air depuis les enceintes perchées dans les arbres aux guirlandes lumineuses ma foi fort joyeuses. Tout à coup, passe innocemment une jeune femme tenant un bébé labrador sous un bras, l’autre étant occupé à pousser un landau où devait se trouver le petit dernier. Ni une, ni deux, voilà mes quatre gars qui se mettent à scotcher la bestiole, tels des abeilles sur un pot de miel, et ça donne à l’envi des « il est si mignon », « il a quel âge », « c’est à qui les belles papattes ??? » et toutes ces expressions à la limite du gâtisme qu’on aurait honte d’évoquer dans tout autre contexte. La madame repart avec son canidé, et Ben se retourne vers moi d’un coup. Il a sur la face la même expression que le jour où il m’a sorti : « et si on faisait le tour du monde en bateau ??? ». Alors, forcément, je me concentre en même temps que je me méfie. Que va-t-il me pondre cette fois-ci ? J’aurais dû me douter que la phrase suivante serait « et si on adoptait un chien ? ». Bang. C’est vrai qu’on s’ennuyait, au fond. Après une émigration à 8,000 km de notre enfance, un voyage de 18 mois en bateau avec nos 3 enfants, une deuxième émigration vers une France que l’on ne reconnaît plus, un début d’études en médecine ma foi PAS DU TOUT prenantes, et un nouveau boulot pour moi, c’est vrai : QU’EST CE QU’ON S’ENNUIE !!! Sans compter qu’un chien mettrait de l’ambiance dans une maison qui en manque, avec déjà 3 petits mecs bien en forme et au caractère en acier trempé…

Admettons… J’ai cependant quelques réticences. J’aime bien ces petits animaux, mais je ne peux m’ôter de l’idée que ça a un côté légèrement dépendant qui me déplaît. C’est vrai, ça, ça s’accroche à vos basques et ça veut plus vous lâcher ! Ou alors c’est le côté scatologique qui me retient d’adhérer à l’idée : les premiers mois, c’est connu, c’est pire qu’un bébé humain ! Parce qu’essayez donc, pour voir, de mettre une couche à un clebs, vous ! Non, pas de couches, donc des dégâts partout et en permanence pendant des mois ! C’était pas l’idée que je me faisais d’un début de vie française reposant. Mais bon, avec les talents de persuasion de Ben, et il faut le dire une petite envie de tester la formule (chose que je rêvais de faire quand j’étais enfant), je finis par me laisser convaincre. Avec un Ben qui se veut rassurant et me susurre que, décidément, « un chien ça demande pas tant de soins, tu sais. Et puis ça devient vite propre. Et puis faut pas le sortir tout le temps, noooonnnnn ! Tu verras, c’est sympa. Ça fait pas de bazar, et ça apprend vite, et… » Et à l’entendre, ça prépare aussi la bouffe, ça va faire les courses et ça fait le café !! J’en viens même à tenter de le raisonner, moi qui pourtant n’en ai jamais eu, de chien ! Mais il fait la sourde oreille à mes arguments, et on se retrouve au chenil avant même d’avoir eu le temps de dire « Médor».

On finit par choisir un petit mignon qui se tient bien droit quand il s’assied sur son séant et observe ses frères s’agiter partout. Il a juste l’air « royal ». Après moult tergiversations et un appel à idées sur face de bouc, on le baptise « Jinko » (on est dans l’année des J) et on le trimballe dès son arrivée à l’autre bout de la France, car c’est les vacances de Noël et on part voir la famille dans les Alpes. Je vous passe les détails scabreux de Ben se ruant sur le tapis persan de ma belle sœur tandis que le petit chéri vient de démarrer un travail artistique autant qu’odorant pour baptiser l’endroit. Je vous passe aussi la sale habitude qui démarre vite chez ces petits animaux de vouloir tout bouffer, à commencer par les petits doigts musclés de mes neveux et nièces. Je vous passe enfin les réactions variées de nos familles respectives, pas forcément adeptes des chiens, et qui ont courageusement accepté de nous accueillir en dépit du tas de poil remuant qu’on leur apportait.

 

Et depuis qu’il est entré dans la famille, mon père se moque gentiment de nous en disant à qui veut l’entendre que Jinko est « notre petit quatrième ». Mais au moins, celui-là, j’aurais pas eu à le sortir, ce qui, compte tenu du poids des autres à la naissance (4 kg en moyenne), est un avantage certain ! Toujours est-il qu’après presque deux mois à la maison, je tire quelques conclusions nourries de cette expérience pour le moins intéressante.

 

  • J’avais raison sur toute la ligne concernant les côtés hygiéniques : il pisse par terre pour un oui et pour un non (enfin, surtout pour les « non », sauf la nuit, Dieu merci) et surtout quand il n’est pas content. Et, même s’il ne nous a pas trop agrémentés de déjections au milieu du salon, ça lui est arrivé. Ceci dit, il a eu la décence de ne pas faire sur le tapis, ce dont je lui suis très reconnaissante. Mais la règle qu’on a apprise à la dure et assez vite, merci, c’est qu’un chien qui renifle partout est soit un chien de la police qui recherche de la dope, soit un chasseur au travail qui repère le gibier, soit un Jinko qui cherche le coin où il va laisser sa prochaine production intestinale ou urinaire. Et si vous êtes dans la dernière situation, mieux vaut ne pas hésiter et sauter sur la laisse pour sortir le clébard avant accomplissement du méfait, sous peine de devoir laver sous peu…
  • Le chien est le meilleur ami de l’homme, et surtout de Laé ! Laé qui, dès qu’il a commencé à fréquenter Jinko, a changé drastiquement de comportement ! Il s’est calmé, s’énerve beaucoup plus rarement, et a commencé à développer une confiance en lui que nous ne lui avions jamais vue !! De plus, on fait suivre à Jinko des cours d’éducation canine, et c’est au tour de Laé de faire le dressage, ce n’est plus le même gamin ! Fier comme trois p’tits bancs, il devient un maître intraitable et tendre à la fois, s’amuse et prend son rôle très au sérieux. La zoothérapie à son plus beau, vous pouvez me croire ! On hallucine encore, Ben et moi, de cet effet secondaire inopiné… L’effet est aussi remarquable pour les deux grands, qui se sont pris au jeu et suivent eux aussi des cours d’éducation canine. On apprend donc à s’imposer et à hausser le ton, qu’on ait 12 ou 14 ans bientôt !
  • Le monde appartient à ceux qui se lèvent tôt. Cela va faire 20 ans cette année que j’ai rencontré Ben, et pourtant je n’avais encore jamais réussi à lui faire croire en un principe aussi sain que drastique pour son sommeil. Eh bien depuis l’arrivée du chien, il se lève comme un seul homme le matin pour aller promener monsieur ! Sisissi ! A six heures pétantes, les deux mâles se retrouvent dehors, qu’il pleuve, qu’il neige (sachant tout de même que le risque est limité à Tours…) ou qu’il vente. C’est la promesse tacite que Ben m’a faite pour me faire avaler la pilule… et le tas de poils. Et de m’assurer courageusement chaque matin qu’il aime bien parce que… ça le réveille ! Donc le chien ne fait finalement pas le café, mais il a le même effet
  • Un chien, ça fédère à un point inimaginable. Franchement, les sites comme Meetik vont finir par fermer si la chose se sait : avec un chien, on rencontre un tas de gens à qui on aurait même pas adressé la parole sinon. Le chienchien est de sorti, il saute à la figure de tout ce qui a deux jambes et qui marche (en particulier s’il s’agit d’enfants) et c’est alors que s’engage la discussion. Vraiment, les chiens sont des éléments socialisants de première catégorie, vu sous cet angle. On devrait peut-être même en équiper les salles d’attente de la sécu, histoire de pacifier les esprits. Ou celles des urgences dans les hôpitaux : ça passerait le temps !
  • Un autre avantage inattendu réside dans les capacités naturelles du chien à se nourrir de tout. Attendu que, à l’instar des hommes de tous poils (sans mauvais jeu de mot), les chats ont tous la même propension à haïr les aspirateur, il fallait rééquilibrer cette loi infaillible. Grâce à notre Jinko national, c’est chose faite ! Dès qu’une micro miette tombe à terre, le voici qui s’élance, museau rivé au sol, et qui engloutit d’un coup de langue savant les quelques atomes répandus. Pas de chance pour ce quadrupède, nous sommes plutôt végétariens dans la famille, il ne tombe donc que sur des bouts d’épluchures de carottes (quand je prépare à manger) ou des bouts de cake aux légumes (quand Laé est en train de manger).
  • Un chien est aussi une déchiqueteuse portative inattendue et (parfois) pratique. Il suffit de laisser bien en évidence dans le panier à recyclage quelques vieux cartons et bouts de papier, et le tour est joué. Après quelques minutes, on peut même s’organiser une partie de « Petit Poucet », avec parcours intégré dans la maison pour retrouver le fautif : « Suivez les p’tits bouts de papier ». Notre poinçonneur des lilas est au boulot, et on le suit en effet à la trace ! C’est juste agaçant quand ça arrive plusieurs fois dans la journée, que les invités arrivent d’une minute à l’autre, ou alors quand c’est le courrier des impôts qui figurait (par erreur, c’est sûr !) dans le bac à recyclage… Il reste que c’est un instructeur de rangement massif génial, quand on y pense. Parce que les enfants, après s’être fait boulotter baskets et vêtements une ou deux fois, ne laissent désormais plus traîner une chaussette! La maison n’a jamais été aussi RANGEE!!! C’est un dommage collatéral que j’assume totalement…
  • Côté ménage, cela rejoint pas mal le point précédent. Des tornades sur pattes, ces bestioles… Ça part faire un tour dans le jardin, innocent et primesautier, ça détruit mes plates bandes à grands coups de pattes rageurs dans la terre qui, la pauvre, n’en demandait pas tant. A terroriser ainsi les vers de terre, ce chiot se fabrique un mauvais karma à coup sûr ! Et puis ça revient la tête haute, l’air gaillard, posant pesamment des pattes dégueulasses sur le carrelage que je viens de laver. Et non content de saloper tout ça, ça s’escrime gentiment à en foutre le plus possible le plus loin possible. Je suis pas mal sûre qu’un combat de sumos dans la boue, c’est du pipi de chat à côté de ce massacre ménager ! Et le pire, c’est qu’il trouve toujours un moyen de vous faire la fête à ce moment là, avec toute cette envie irrépressible qu’il a soudain de vous sauter dessus, toutes pattes boueuses dehors, alors même que vous vous apprêtiez à l’engueuler pour son méfait ! J’ai connu une mère de famille, désespérée par ce côté salissant de la bête, qui s’était habituée à essuyer une à une chaque patte de son chien chaque fois qu’il rentrait du jardin. Je comprends, intellectuellement, le but de la manœuvre et sa justification ultime. Cependant, je n’ai pas encore réussi à m’éduquer moi même suffisamment pour m’y résoudre… Et j’apprends à vivre au milieu des décorations de carrelage, façon pattes de clebs… jusqu’au lavage suivant !

 

Tout cela pour dire que la venue de Jinko dans la famille fut une surprise, une découverte, un désespoir aussi par petites touches (là, c’est mon côté fée du logis qui parle), que l’on oublie vite quand ce petit chiot touchant vous fait la fête matin après matin. Même quand on vient de le morigéner pour un mauvais coup ou qu’on a oublié l’heure de son repas. C’est compatissant, ces animaux là ! Et surtout, l’amour inconditionnel qu’il nous porte m’époustoufle au delà des mots. Reste plus qu’à lui apprendre à faire le café, et le bonheur sera total, l’éducation canine parfaite, et on pourra alors envisager de le cloner sereinement !

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