Donne-moi quelque chose qui ne meurt pas…

Je suis en train de lire S’aimer enfin ! de C. Fauré. Cet auteur m’accompagne de ses livres depuis plusieurs années. J’avais lu d’abord son livre sur la crise du milieu de vie. C’est en relisant un des passages que, le 2 janvier 2020, j’ai pris la décision de divorcer de mon mari, après 25 ans d’existence partagée. Une décision irrévocable, et que je n’ai jamais regrettée, puisqu’elle m’a permis de connaître le bonheur que je connais aujourd’hui… J’ai aussi lu celui qu’il avait écrit sur la crise du couple et qui m’a aidée à envisager la séparation, à l’intégrer. Aujourd’hui, ce livre que j’ai entre les mains résonne une fois de plus d’une manière particulière… Car le chemin de vie qu’il décrit, le sien, est en écho parfait avec le mien. Bien sûr, je n’ai pas passé 2 ans dans un monastère bouddhiste, je ne médite pas plusieurs heures par jour… Mais je commence à entrevoir, à percevoir, les états qu’il décrit lorsqu’il évoque cette partie en lui qui reste stable dans la grande difficulté.

 

Après 2 ans d’un voyage chaotique où j’ai touché du doigt la grande solitude, des difficultés physiques et émotionnelles que je n’avais encore jamais connues, des impasses et la confrontation avec mes vieux schémas, mes parts les plus sombres… voilà que j’arrive à une étape. C’est un peu le temps de repos avant la course folle qui devrait enchaîner, je le pressens depuis quelques temps. Ce repos, je le veux salutaire, tranquille, rempli de la conscience du chemin parcouru… J’ai eu le sentiment, durant 2 années, d’être un pantin désarticulé tant les vagues qui m’ont secouée ont pu être violentes parfois. Mais j’avais la volonté tranquille de ceux qui veulent aller au bout. J’y suis allée. Au bout du schéma qui m’avait rendue aveugle et qui s’est finalement déchiré comme un voile, me permettant de voir ce qui demeurait jusque-là invisible. Au bout de mes espoirs, de ces trahisons envers moi-même, des pans d’un passé peu brillant que je voulais me cacher… Au bout de ma fatigue, et de ces moments où l’ego perd pied et fait n’importe quoi, est prêt à tous les discours pour revenir à ce qu’il connait. J’ai tenu bon. Grâce à mes amis, ma famille, à ces podcasts sur la spiritualité, la loi de l’assomption… Grâce à des heures passées à marcher, durant des kilomètres, pour faire avancer la connaissance que j’avais de moi, pour remuer et oxygéner ces pensées qui avaient besoin de s’aérer… Grâce à l’homme que j’ai aimé et qui m’a permis de comprendre combien il était vital de ne plus faire de concessions sur celle que j’étais, de m’accepter moi-même telle que j’étais pour que, plus jamais, aucun homme ne soit le prétexte que je choisis pour me perdre à mes propres yeux.

 

Je me suis appuyée sur cette expérience pour devenir enfin la personne que j’étais vraiment. J’étais déterminée à dépasser toutes mes limites pour incarner enfin celle que je voulais être. Pour être dans cet endroit, quelques mètres sous la surface du lac. Ce niveau à partir duquel l’eau ne bouge pas, quel que soit le temps, quels que soient les vents et les vagues qui s’énervent au-dessus. Je voulais connaître cet espace tranquille qui ne s’émeut pas des événements qui se jettent sur la surface du quotidien. Je suis en train de trouver cela. Et ce coin dans ma conscience, il ne dépend de personne, il est vierge de toute influence, je m’y réfugie désormais lorsque j’en ressens le besoin. Ce que décrit C. Fauré dans son livre, c’est cette quiétude qui ne doit rien à personne et qui est là, en chacun de nous, lorsqu’on enlève toutes les couches qui en obstruent l’accès. C’est ce que j’essaie de montrer du doigt à mes patients lorsqu’ils cheminent vers eux-mêmes. Certains le trouveront. D’autres pas. C’est ainsi. Mais me revient souvent ces temps-ci le magnifique titre d’un livre de photo de Boubat avec les écrits de Bobin : « Donne-moi quelque chose qui ne meure pas ». Je pense qu’avec ce voyage de 2 années au cœur de moi-même, je me suis trouvée, et j’ai mis la main sur quelque chose qui ne meure pas…

Serendipity

Il paraît que le hasard existe. Je n’y crois plus depuis longtemps. Je crois à de minuscules chaînes d’événements qui se tissent ensemble dans un but inavoué que l’Univers conspire à établir pour nous. Toujours dans une optique heureuse.

J’en étais là, à préparer à la dernière minute mon petit voyage. J’avais décidé de passer quelques jours dans le sud, improvisation totale car j’apprends à lâcher prise et je m’entraîne pour cela. Petit exercice donc. Je lance ma proposition de trajet sur blablacar, la veille de mon départ, qui devait démarrer à 6h. A ma grande surprise, un jeune homme est intéressé par le voyage. Je dois le prendre vers Valence. Qu’à cela ne tienne. On se retrouve au parking relais. Il a la mine des voyageurs, plusieurs gros sacs, de ceux que traînent les baroudeurs chevronnés qui ne veulent rien devoir à personne, qui s’adaptent à tout et font feu de tout bois. Il entre dans la voiture, on commence à papoter. Il répond volontiers à mes questions, me parle de lui. De ses études à Sciences Po. Comme moi. De son choix de partir voyager. Comme moi. De sa vie sur des bateaux. Comme moi ! C’en était presque comique tant nos trajectoires se répondaient ! Alors quand j’apprends qu’il cherche à acheter un bateau, je lui parle de mon livre sur le sujet : Femme(s) à la Mer. J’y fais notamment un chapitre sur le choix du bateau pour faire le tour du monde, et sur les manières de l’aménager. Et je détaille un peu. Il m’arrête. Ce livre, il l’a lu !!!! Il a lu mon livre, alors qu’il naviguait sur le bateau d’une famille qui venait de La Rochelle. Sans doute une des personnes à qui j’avais vendu mon bouquin sur un salon nautique l’année de sa sortie, en 2016 ! Le moment est simplement ahurissant. Et me fait rire. Ce clin d’œil de la vie est tout simplement incroyable… What are the odds ??? J’ai laissé Noé à son point de destination avec un sourire en coin et de la gratitude pour le moment partagé. Tout cela est comme un joli cadeau, emballé pour moi par l’existence. Je prends !

Parlons d’amour !

It’s been ages since I last wrote something in this blog !

Je vous pose le décor ? Petit spectacle de rue à Saint Genest Lerpt. Une toute petite femme enceinte avec un sourire immense, une chatche d’enfer, un short en jean et un T shirt qui moule son joli ventre. Lui, il arrive avec une barbe de 4-5 jours, un anneau à une oreille. Les deux parlent d’amour. Nous, on est là, à écouter ce spectacle qui semble être simplement un dialogue entre eux, au début. Ça parle d’amour. De ce qui nous échappe, la plupart du temps. Ils redisent comment ça fait, au début. Et pourquoi ne pas tomber en amour avec tous nos voisins ? Qu’à cela ne tienne ! Bien vite, tout le monde se met à la queue leu leu, on forme un cercle, puis un cercle dans le cercle, et nous encourage un troisième larron, jeune et moustachu, un peu le look de Freddy Mercury, qui se balade entre les gens, dans le chemin laissé libre entre les cercles formés par nous, toujours en file. Il est vêtu d’un slip rouge vif flanqué d’une paire d’ailes argentées en tissu synthétique, de chaussures à la romaine qui remontent haut sur les mollets, et il a des gros cœurs roses peints sur le torse, des boucles d’oreilles en forme de cœur… Le gars nous parle d’amour. De ces moments épars où l’amour se balade entre les gens, et de nous à qui il incombe de le faire vivre, enfin !

Après un moment à tourner comme ça, il nous fait nous arrêter. Et près d’une petite centaine de personnes, en cercle, se prennent les mains. On attrape celle du voisin, de la voisine. On ferme les yeux.

Il nous emmène en voyage. Il nous fait revivre un moment d’amour. Un moment où nous avons été amoureux. Alors, je vous le propose : attrapez donc là tout de suite un moment où vous avez été amoureux. Un instant de votre vie, où vous aviez les papillons. Laissez remonter le souvenir… Retrouvez les odeurs de cet instant volé aux ailes du temps. Les bruits, autour de vous. Quelles étaient les sensations, la façon dont le corps était installé, ce que vous pouviez voir… Moi je me suis rappelé un moment précis. J’y étais. Au milieu de cette place, avec tous ces gens qui voyageaient dans leurs souvenirs, j’étais dans les bras de ce chéri dont j’étais amoureuse. Ce n’était pas un moment extraordinaire de notre histoire, juste un moment dont je me souviens, qui était précis et chéri dans ma mémoire. J’ai laissé quelques larmes baigner mon visage, parce que c’était beau, c’était bon de se retrouver dans ce temps suspendu pour quelques secondes.

Où sont les moments d’amour ? Qu’en faisons-nous ? Les laissons-nous partir, ou bien sommes-nous à jamais capables d’en faire une petite suite heureuse et qui se niche joyeusement dans tous les recoins du quotidien ? Ce spectacle, je l’ai trouvé terriblement touchant. Simple et authentique. Bienvenu après ces mois de confinement où les gens ne se touchaient plus, où chacun allait son chemin en faisant un détour pour ne pas être en contact. Retrouvons le sens du contact, de la chaleur humaine. Et déployons l’amour dans toutes ses formes. L’amour amoureux, mais aussi l’amour filial, l’amitié, l’amour qui se vaporise dans une conversation avec des inconnus, celui qui s’infiltre dans un sourire au détour d’une rue, l’amour simple qui se transmet par la voix, le geste, le regard…

 

Le spectacle était de la compagnie Superfluu (https://www.cie-superfluu.com) sur lequel on peut lire cette très belle citation :

“On peut consolider la falaise d’où l’on va sauter, mais pas le vide dans lequel on s’élance.” Eugène Lion.

Et, à tout prendre, Eugène a raison : l’amour c’est un vide que l’on ne pourra jamais consolider… A un moment donné, il faut se lancer !

Petits miracles dans la roulotte

Il était arrivé le visage fatigué, les traits tirés, et ses yeux semblaient enfoncés dans leurs orbites plus que jamais. Le corps maltraité par une chimiothérapie qui l’épuisait, lui enlevait ses forces vives et son énergie. Il arriva à la roulotte, ne sachant trop quoi faire de cette enclume qu’il avait à porter à la journée longue après chaque injection. Il déposa tout cela dans la roulotte, en s’installant sur le futon. Conscient que le toucher associé au shiatsu qu’il allait recevoir pourrait peut-être remettre de l’ordre dans ce bazar généralisé qu’il subissait depuis plusieurs semaines.

On commença par discuter. Évoquer la maladie, ce qu’elle pouvait bien signifier. Le mal a dit. Que disait celle-ci ? Quel rôle pouvait-elle jouer à ce moment de sa vie ? La question se posait, et il commençait à y répondre. Je débutai le soin, lui proposant quelques exercices en hypnose, qu’il accepta de faire. L’idée était de préparer l’esprit et le corps à la prochaine injection, le lendemain. J’ai débuté par quelques points choisis pour aider le corps à retrouver l’énergie qui lui manquait. Puis j’ai débuté le shiatsu dans le dos. A un rythme régulier, profond et lent. J’ai déroulé pour lui une histoire, un paysage et j’y ai fait venir des personnages. L’enfant intérieur, le guide né de son inconscient. Des aides et des soutiens indispensables dans l’épreuve qu’il avait à affronter. Il se laissa aller. Il accepta de faire mentalement circuler l’énergie dans les endroits où elle semblait avoir du mal à se mouvoir.

Une conscience amie s’invita dans la roulotte à ce moment-là, pour soutenir le travail qui se faisait alors dans le corps, l’esprit, l’âme du patient. Comme si tout allait concourir à précipiter sa guérison, comme si toutes les forces en présence avaient ce pouvoir de lui permettre de sortir de la maladie comme on quitte soudain une pièce, parce qu’on l’a choisi et qu’il est temps d’avancer, d’aller ailleurs trouver la vie qui attend dehors. J’imprimais dans son corps les pressions avec mes doigts, sur le trajet des méridiens qui avaient besoin d’être soutenus. Je sentais l’énergie affluer par endroits, et lorsqu’elle tardait à venir, je le sollicitais pour que, mentalement, il fasse le travail nécessaire. Je sentais les pieds froids, et mes mains agitèrent l’énergie dans ces parties du corps pour que la chaleur y prenne ses quartiers. La nuit tombait, j’allumais la guirlande de lumière tamisée. On entendait quelques chants d’oiseaux, rendus timides par le jour qui s’éloignait. Sa respiration était régulière, apaisée, et son corps se relâchait doucement des tensions accumulées, rendant les points de shiatsu plus aisés, profonds et efficaces.

 

Les échanges furent énergétiques, passèrent par quelques mots, s’étirèrent le long des mains. On sentait dans la petite pièce une vibration particulière porteuse de vie. A la fin du soin, il semblait reposé et sourit. De ce sourire dont il avait le secret, immense et qu’il ne cherchait pas à contenir. Il avait l’air d’avoir trouvé quelque chose. Quelque chose qui ne meurt pas. Qu’il avait toujours eu, et dont il prenait conscience soudain.

Le lendemain, l’injection se passa en un claquement de doigt, et il resta détendu tout du long, protégé cette fois par un cocon invisible qui l’enveloppait d’amour. Et je sais qu’il est en train de trouver l’homme qu’il est réellement, grâce à cette maladie qui l’a déjà quitté et n’est plus qu’un souvenir… Il a pris la leçon qu’elle lui apportait, il s’est débarrassé du mal qui lui a dit tout ce qu’il avait à dire…

Juste à côté de vous…

Je suis discrète, dans le blog, cette année. On dirait que la vie va trop vite, et que je peine à rattraper le wagon qui s’enfile sur les rails… Mais je prends le temps à présent. Ironie de l’histoire, je m’apprête à le faire à la rentrée, précisément le moment où tout reprend… Cependant, si on est logique, c’est au moment où les jours raccourcissent que l’activité devrait s’alléger ! Alors je décide de suivre le rythme de la nature. Dans cette année folle qui vient de s’écouler pour moi, j’ai posé les bases de ma nouvelle vie, et je m’occupe enfin de l’important au-delà du matériel : l’esprit. C’est un domaine sur lequel je travaille d’arrache-pied depuis des mois. Mais cette fois, je vais l’approcher par l’écriture.

Comment vous dire que ma vie a un sens bien plus profond depuis que je fais le métier que j’aime… Je reçois en effet désormais des patients dans mon cabinet, en hypnose et en shiatsu. Je ne peux vous décrire le bonheur que c’est de voir débarquer une nouvelle personne, souvent dans un état déplorable (physiquement, psychologiquement et émotionnellement : cela va souvent ensemble) et de la voir se relever au fil des séances ! Qu’il s’agisse de l’hypnose ou du shiatsu (parfois les deux en même temps), j’assiste la plupart du temps à des renaissances, la lumière se dégage petit à petit de la personne et se met à rayonner autour d’elle, souvent à son insu au début. Les patients qui viennent me voir sont prêts à faire le voyage. Ceux qui ne le sont pas annulent après le 1er rendez-vous. Remettre en question un mode de fonctionnement fait peur, c’est tellement naturel, cette résistance… Pour ceux qui osent, nous cheminons ensemble. Je suis à côté d’eux lorsque les émotions sortent, c’est parfois violent, souvent émouvant, jamais triste. Ils vont au fond d’eux-mêmes, et déterrent des trésors dans leur passé, des pépites de souvenirs qu’ils choisissent de débloquer en hypnose. Ou ils lâchent prise et libèrent des émotions et des blocages énergétiques dans le shiatsu. Dans les deux cas, ils sont présents à eux-mêmes, se traitent avec bienveillance, avancent avec confiance même s’il leur arrive aussi de douter…

J’ai souvent le sentiment d’être comme la sage-femme qui est présente lors de la naissance de l’enfant. Son rôle est d’être le garde-fou, c’est la femme et l’enfant qui font l’essentiel du travail mais elle se tient à côté, pour eux. Et c’est incroyablement gratifiant, cette lumière dans le sourire quand la personne vous dit qu’elle ne reprendra pas rendez-vous, qu’elle a fait le chemin qu’elle était venue faire… Je suis triste, un peu, de ne plus pouvoir les voir à l’occasion des séances. Mais profondément joyeuse de ce voyage accompli, de la nouvelle vie qui commence alors, et des perspectives de bonheur qui s’annoncent.  Bravo à vous tous, qui avez le courage de travailler sur vous pour devenir de meilleures personnes, plus intègres, plus libérées dans votre corps, plus aptes à laisser la lumière vous traverser pour la déposer sur les gens qui vous entourent…

Le grand moment de solitude…

Comment vous dire que, parfois, les choses s’inversent drôlement dans les familles ? Il y a cette époque des couches malodorantes qu’il faut gérer, entre deux jets de lait caillé sur l’épaule et la purée de carotte qui tapisse le sol sous la table… Les mômes, ça finit par pousser, on n’a même pas besoin de les arroser, et ça prend quelques centimètres en une poignée de mois. Jusqu’au jour miraculeux où ils sont capables de vous lancer un mam… mmamma… mmamman ! La victoire est totale ! On commence par le début, ba-be-bi-bo-bu, on prononce en exagérant chaque mot, et tout sort tout emmêlé dans la bouche de choubidou, lui-même épaté par les sons qui dégoulinent de sa bouche sans qu’il sache trop bien ce qu’ils veulent dire !

Ce temps-là… il n’a qu’un temps ! Car très vite, le débit s’accélère, le vocabulaire se précise. Et un beau jour, ils vous dament le pion ! Ils vous coiffent au poteau et vous sortent des mots pleins de doubles sens, se lancent dans les calembours et vous voilà (presque) perdue, maman mais en voie d’extinction (de voix). Car arrive le temps un peu spécial où les mômes qui ânonnaient jusque-là des mots tout simples se mettent à parler un autre langage. Et vous, en tant que maman, vous voilà totalement larguée. Je ne parle même pas du verlan : celui-là, ça fait belle lurette qu’on ne se casse plus à le traduire, on a compris le principe même si ça file souvent un peu trop vite pour notre compréhension 😉

Non, je parle du langage si abscond des jeux vidéos ! Les gars se parlent entre eux du dernier truc sur Dofus, et moi je capte que dalle ! Il faut dire que ça donne des phrases un peu sidérantes comme « le perco a chopé des kamas et ça c’est IG ». Il faut savoir que AFK ça veut dire Away from keyboard, quand le personnage, il est là mais il ne joue pas. Faut le savoir. Et vous ? Avez-vous des items à vendre en HDV ? Moi je ne sais pas, j’ai pas gagné assez de kamas alors j’hésite…

Donc les gars se parlent entre eux comme ça, devant moi. Et moi, je me ses sans doute comme eux, petits, lorsque leur père et moi on se jasait en anglais pour éviter qu’ils ne comprennent ce qu’on voulait dire : « where did you hide the peanutbutter ? » Où as-tu caché le beurre de peanut ? Parce qu’avouer la cachette secrète devant les enfants, c’était se préparer à une invasion de la marmaille pour aller taper dans le pot… Et ça, ce n’était pas pensable : le beurre de peanut, c’est réservé aux PARENTS !!!

 

Sans blague, mes enfants sont sympas, ils ont décidé de m’éduquer. Il faut les voir, patients comme le pêcheur de truite devant sa ligne, m’installant devant un ordinateur. Ils me mettent un jeu vidéo pour m’initier, et ils en choisissent un (ils me connaissent) plutôt joli, esthétique, avec de chouettes musiques et des graphismes de fou ! Ils s’amusent de me voir maladroite avec la souris, sont épatés quand j’arrive à faire bouger mon personnage, et ils semblent guetter mes progrès comme j’avais l’habitude de m’extasier devant un pas debout alors qu’ils apprenaient à marcher… Tout s’inverse, je vous dis. Ils sont bienveillants avec maman qui se met aux jeux vidéo et moi je fonds d’amour pour mes immenses chéris si tendres et qui parlent décidément une drôle de langue… Paraît qu’il faut vivre avec son temps !

Le bruit de la pluie

Déjà en mai… Et l’eau tombe, tombe et tombe encore, réjouissante et généreuse… Je connais beaucoup de gens qui s’en désespèrent. Moi, à l’instar de mon petit dernier, je l’adore ! J’ai encore dans les oreilles le bruit de la pluie qui tapait sur le pont du bateau, lorsque nous habitions dans les Caraïbes et que nous recevions comme une bénédiction cette pluie qui tombait en rideau sur le paysage. Rien ne comptait plus que ces trombes d’eau qui immobilisaient le temps et l’espace. Rien ne pouvait alors se faire sans compter sur cette eau qui s’insinuait partout. On appelait les enfants, on se jetait sur toutes les brosses que contenait le bateau, et on en profitait pour nettoyer le pont, pour profiter de toute cette eau qui tombait du ciel ! J’adorais ces scènes de remue-ménage en famille !

Alors ce soir, je rentre d’une séance passionnante (comme souvent) et j’ai envie de jouer dans les flaques. Je prends Zoé avec moi (petit chien à grandes oreilles et à la démarche sautillante, même si elle n’est pas une grande fan de la pluie !) et on part sur les chemins ! Les écouteurs sur les oreilles, je ne me gêne pas et je chante à tue tête ! Pas de doute : c’est moi qui la fais tomber, cette pluie 🙂 Mais personne pour me lancer les tomates : tous les promeneurs sont rentrés chez eux, on est toutes seules Zoé et moi à profiter des gouttes qui s’abattent sans pitié sur le paysage. J’en profite pour attraper quelques vers de terre dans un mouchoir, histoire de les faire émigrer joyeusement dans mon jardin doté d’une terre pauvre comme un jour sans pain… Et je me promène sous les gouttes sans chercher à les éviter, parcourant les rigoles qui dégringolent de la pente, essuyant celles qui dégoulinent sur le visage, et riant toute seule à ce moment délicieux et gratuit, trempée comme si j’avais sauté dans la piscine, heureuse et amoureuse… Ce soir, je suis un peu Barbara…

 

Barbara

Rappelle-toi Barbara
Il pleuvait sans cesse sur Brest ce jour-là
Et tu marchais souriante
Épanouie ravie ruisselante
Sous la pluie
Rappelle-toi Barbara
Il pleuvait sans cesse sur Brest
Et je t’ai croisée rue de Siam
Tu souriais
Et moi je souriais de même
Rappelle-toi Barbara
Toi que je ne connaissais pas
Toi qui ne me connaissais pas
Rappelle-toi
Rappelle-toi quand même ce jour-là
N’oublie pas
Un homme sous un porche s’abritait
Et il a crié ton nom
Barbara
Et tu as couru vers lui sous la pluie
Ruisselante ravie épanouie
Et tu t’es jetée dans ses bras
Rappelle-toi cela Barbara
Et ne m’en veux pas si je te tutoie
Je dis tu à tous ceux que j’aime
Même si je ne les ai vus qu’une seule fois
Je dis tu à tous ceux qui s’aiment
Même si je ne les connais pas
Rappelle-toi Barbara
N’oublie pas
Cette pluie sage et heureuse
Sur ton visage heureux
Sur cette ville heureuse
Cette pluie sur la mer
Sur l’arsenal
Sur le bateau d’Ouessant
Oh Barbara
Quelle connerie la guerre
Qu’es-tu devenue maintenant
Sous cette pluie de fer
De feu d’acier de sang
Et celui qui te serrait dans ses bras
Amoureusement
Est-il mort disparu ou bien encore vivant
Oh Barbara
Il pleut sans cesse sur Brest
Comme il pleuvait avant
Mais ce n’est plus pareil et tout est abimé
C’est une pluie de deuil terrible et désolée
Ce n’est même plus l’orage
De fer d’acier de sang
Tout simplement des nuages
Qui crèvent comme des chiens
Des chiens qui disparaissent
Au fil de l’eau sur Brest
Et vont pourrir au loin
Au loin très loin de Brest
Dont il ne reste rien.

Jacques Prévert, Paroles

 

J’habite avec 3 soleils depuis 20 ans…

Je les ai portés, chacun d’entre eux, avec bonheur. De les sentir dans mon ventre, c’était chaque fois une expérience à couper le souffle, dans tous les sens du terme (vu leur taille…). J’ai aimé les langer, jouer avec leurs petits pieds qui gigotaient, les embrasser dans le cou alors qu’ils étaient tout petits et qu’ils sentaient si bon… caresser la peau toute neuve et d’une douceur souple et chaude. J’ai aimé aussi les observer quand ils découvraient le monde. Petite main dans la neige, étonnement dans les yeux, juste avant la cascade de rire. Roulades dans l’herbe fraîche, main tendue vers le museau du chien ou le pelage du chat, bouche-pas-de-dents qui engouffre avec avidité le pain tout mouillé de salive. Et puis j’ai aimé quand ils se sont mis debout, sur leurs deux pattes malhabiles, pour apprendre à attraper la queue du même chien qui les reniflait truffe mouillée contre joue ronde. J’ai aimé leur courir après quand ils s’échappaient en riant pour se planquer dans les fourrés du jardin public, et les habiller en esquimaux parce qu’il faisait moins 20 dehors. J’ai aimé les enfiler en rang d’oignon sur la luge pour les amener à la garderie à trois rues de la maison, et les voir laisser les moufles traîner dans la neige pour faire des traces. J’ai aimé voir leur mine réjouie devant la neige qui tombait, et les voir soulever les feuilles d’or et de carmin pour les faire retomber en pluie à l’automne pendant nos balades en forêt. J’ai aimé ensuite les voir grandir et aller à l’école, cartable sur le dos et grand sourire aux lèvres quand ils apercevaient les copains dans l’immense cour d’école. Préparer leurs petits lunchs du midi et défaire avec eux les sacs de sport pour mettre à laver le linge sale. J’ai aimé leur préparer des crêpes, et les voir dévorer des kilos de miel qu’ils étalaient avec gourmandise sur des tartines énormes, matin après matin.

Puis est venu le temps du bateau. J’ai aimé les voir sauter du haut du cata pour apprendre à plonger, les regarder nager des heures de temps pour repérer des dollars des sables, ou construire des cabanes dans chaque île traversée, avec des branches de palmier, des noix de coco et des petits bouts de rien. J’ai aimé la fierté sur leur petit visage, quand ils étaient à la barre et qu’ils dirigeaient un bateau aussi gros d’un mouvement de main peu assuré. Les voir admirer un coucher de soleil et rire avec les copains sur le trampoline en mangeant des crèmes glacées.

Puis retour à terre. J’ai aimé les accompagner à l’école, main dans la main, et faire des randos en forêt, promener le petit chien devenu gros ensuite et après lequel il fallait courir quand il ne revenait plus. J’ai aimé sécher leurs larmes et leur faire des câlins quand les jours étaient trop lourds, ou quand ils en avaient gros sur le cœur, sans parfois savoir pourquoi. J’ai aimé les voir sortir, entourés d’amis, par la grille en fer forgé du collège. Aimé les prendre dans mes bras à chaque moment, au moment de faire la popote ou de leur souhaiter bonne nuit, pour une victoire ou une seconde de tristesse. J’ai aimé fêter avec eux leurs bons coups au collège, puis au lycée, les applaudir devant tout le monde aux remises de diplômes, et me gaver de leurs sourires quand ils gagnaient un match de tennis. J’aime me mettre sur la pointe des pieds pour embrasser les géants qu’ils sont devenus, et profiter des rayons solaires de ces sourires à fossettes dont ils ont le secret.

Aujourd’hui, ceux qui étaient des petits bouts d’hommes sont devenus des hommes tout court. Aujourd’hui, j’ai quitté leur père, mais ils sont toujours là. Debout. Et dans mes moments de peine, ils se tiennent droit. Aujourd’hui, ce sont eux qui me prennent dans leurs bras quand j’ai besoin d’un câlin, eux qui se proposent de cuisiner quand je suis fatiguée, eux encore qui pensent à me laisser à manger quand je rentre tard. Et j’aime me reposer (un peu, pas trop) sur leurs ailes déployées quand la vie est un peu pesante. J’aime les savoir solides, et fragiles tout à la fois. J’aime les voir attentifs, j’aime leur bienveillance époustouflante, leurs manières subtiles pour soulager une peine ou tendre la main. Ces enfants-là, je ne pourrai pas dire « les miens » parce qu’ils ne m’appartiendront jamais, je les aime comme au premier jour, et ne cesserai jamais de les aimer. J’aime les belles personnes qu’ils sont devenus et qu’ils ne cesseront jamais d’être. Et mes bras, je les garde ouverts pour eux, ils s’y réfugient dès qu’ils en sentent le besoin, et cela ne changera jamais.

 

Merci mes amours. Théo, Sacha, Laé. Je vous aime.

Les petites mains

Ce n’est pas le tout, d’arriver dans la grande maison qui fleure bon le feu de bois. De saluer les hôtes, toujours avenants et souriants comme un pain frais du dimanche matin. Non. Il faut sacrifier au rituel que je préfère, une fois la valise engouffrée dans la chambre. Je descends les marches de l’escalier en bois, qui fait un bruit sec à cause des semelles. Clac, clac. Petit détour à gauche. Elle a déjà presque tout préparé, comme d’habitude. Mais pas tout. Restent quelques détails, des trucs à faire à la dernière minute. Ce n’est de toute façon pas encore l’heure de manger.

Je m’installe à la petite table en demi-lune, recouverte d’une nappe en toile cirée. La cuisine qui a un mur vieux rose que j’adore, et qui est toujours si bien rangée. Où la lumière se sent comme chez elle. Je m’assois et j’attends les ordres. Qui n’en sont jamais. Ma petite tante a son menu en tête, elle connaît les étapes, et sait ce qu’il va falloir faire. C’est une artiste culinaire, qui se délecte littéralement de faire à manger et d’y mettre tout son coeur. Elle qui va jusqu’à dévorer le moindre bouquin de cuisine pour ensuite le bourrer de post-it, histoire de repérer toutes les recettes miraculeuses qu’elle aimerait tester ! Elle n’a d’ailleurs jamais assez d’invités pour faire honneur à ses ambitions gigantesques… Je me lève bien vite pour attraper l’épluche légume, un couteau, une planche. Elle y dépose quelques pommes de terre, un morceau de chorizo à découper, une tranche de citron… Commence le petit ballet : je fais les petites mains, tandis qu’elle réalise la recette. Chacune a son rôle, comme un morceau de musique bien orchestré, des notes qui se répondent. Un bouquet de coriandre à hacher dans des parfums de vert frais, un poulet à couper en fines lamelles, le tendre de quelques pommes à éplucher…

Ce que j’aime par-dessus tout, c’est ce qui flotte dans l’air tandis que nous réalisons les gestes dans le bon ordre : cette discussion sur nous, les affaires courantes, les espoirs, les trébuchements intempestifs… Ces mots qui nourrissent les nouvelles qui passent entre nous en zigzaguant. On se raconte tout en débitant une carotte ou en versant le zest de citron dans le plat fumant. Pas d’effusion, juste une petite communion qui ne dit pas son nom et nous permet de nous remettre en contact l’une de l’autre. Un moment vrai, où l’amour est palpable dans les petits gestes que nous mettons à préparer ce repas que, bientôt, nous partagerons ensemble. Les petites mains, ce sont ces moments uniques où l’on se reconnecte au travers de gestes minuscules, pour partager un instant de vie.

Merci à toi, Anne, pour ces pépites de temps passées en ta compagnie…

Petite respiration printanière

En ces jours de confinement, il nous est demandé de rester à la maison. Pour autant, il est permis une petite promenade quotidienne, à titre « d’exercice ». Profitons-en pour faire un tour dehors… Histoire d’apaiser, l’histoire de quelques minutes, les tourments d’un monde qui tourne sur lui-même en boucle. Je vous l’avoue, j’ai un penchant très notable pour la pluie. D’ailleurs un de mes fils ne s’y trompe pas, qui déclame à qui veut l’entendre que le meilleur temps qui existe, c’est un temps pluvieux et venteux à souhait. Le genre de temps parfait pour… se confiner avec un bon bouquin dans un coin de sa chambre comme dans un terrier confortable ! Et cet après-midi, chance pour lui, il s’est mis à pleuvoir. Je l’ai imité et je suis sortie, seule. Ou plutôt accompagnée de mon parapluie. Grosses godasses aux pieds. A l’instar de ces moments magiques dans l’enfance de mes enfants, quand je leur intimais l’ordre rieur d’enfiler des bottes pour pouvoir… sauter dans toutes les flaques du chemin qui menait à la garderie. Ils s’exécutaient en hurlant de plaisir, et tout le monde était heureux ! Grosses godasses, donc et je m’empresse d’aller rendre visite à cette amie humide qui déverse des tonnes de flotte sur la nature environnante. Cette dernière, je l’entends qui frémit de joie à recevoir toute cette eau. Elle qui se retenait, malgré le printemps, de sortir fleurs et feuilles vertes en attendant, prudente, l’arrivée de l’indispensable rafraîchissement. La pluie arrive donc en terrain conquis, et s’insinue dans la terre pour le plus grand bonheur de tout ce qui y pousse. Et moi, je remplis l’office et je saute dans les flaques. La pluie s’invite sur le parapluie et y crépite joyeusement, cela fait comme un de ces morceaux de piano qui dansent parfois dans l’air en courant à toute vitesse. J’ai en tête ce morceau de Yann Tiersen, La Corde, de l’album Tabarly. La pluie, je la vois qui tombe en rigole lorsque j’écoute cet air magique où le piano se lance dans une course poursuite à travers les notes. Je continue mon chemin sur la petite route qui borde les champs. Sur le goudron, les gouttes sautillent et rebondissent comme des puces excitées, ou brouillent les flaques créées par les creux du bitume. On sent des relents de terre humide s’élever dans l’air et les nuages ardoise donnent une impression de fin du monde qui me dilate le cœur. C’est une liberté enivrante qui s’impose comme lorsque, sur le bateau qui nous emmenait dans une île quelconque, le vent s’engouffrait dans les voiles et nous laissait l’ivresse de la vitesse. Sur terre comme sur mer, il est possible de lever les voiles, dans la tête et dans le cœur. Un peu plus tard, c’est le soleil qui reprend la place, joue des coudes entre les nuages pour leur disputer un autre rôle dans le ciel troublé. L’horizon s’éclaire devant moi. Je m’arrête un instant devant les vaches et les veaux minuscules qui broutent dans le champ. Paisibles, elles ne trouvent rien à redire à ces rayons qui traversent le paysage, la lumière qui éclabousse la route et l’herbe à côté. Mais, décidant que le gris du ciel lourd derrière moi a des couleurs qui m’attirent bien davantage, je rebrousse chemin, d’un pas décidé. Le cœur plus léger à mesure que je marche, chaque bol d’air a le même effet salvateur sur mes humeurs, quelles qu’elles soient au départ. Je traverse le champ aux herbes hautes, abimant d’humidité le bas de mon pantalon, mais qu’importe. Je peux admirer les diamants que le soleil dépose dans chaque goutte de pluie s’attardant sur les feuilles. Les papillons d’un bleu éblouissants et qui virevoltent au gré des plantes, contents de cette trêve solaire. Il est temps de rentrer. Histoire de donner la chance de cuire au gâteau écureuil que je dois préparer avec mon amoureux de la pluie préféré…