Instant présent

 

La fillette attend dans la rue. Il pleut à gros bouillons. Pourtant, elle ne s’impatiente pas, piétine sur le trottoir, et écoute avec ravissement le petit bruit sur la flaque formée par l’averse. Elle sait que sa grand-mère va bientôt descendre, et qu’ensemble, elles pourront aller se perdre dans les allées du jardin. Il ne s’agit pas de manquer ce rendez-vous, le rituel de 14h chaque dimanche. Quel que soit le temps, elles respectent le moment de bonheur pur. Alors s’il pleut, c’est bottes et on y va. Pas de chichi. Elle entend le pas léger dans l’escalier. Lise ouvre la porte de bois peint en vert, passe la tête.

— Tu es là Rose ? Prête pour la promenade ?

 

La petite fille fait oui de la tête, elle sourit, un sourire large comme un rayon de soleil à travers une baie vitrée. Elle est prête, bien sûr. Toutes les deux, elles marchent lentement, en se tenant la main. Pas question de manquer un seul détail de cet instant qui les nourrit toutes les deux.

 

Après une vingtaine de minutes, elles arrivent devant la grille du jardin. Une porte imposante, faite de métal peint en noir avec des arabesques compliquées qui font comme un moucharabieh élégant pour servir de cadre luxueux aux vieux arbres qui habitent l’endroit. Elles poussent la pièce de métal lourde dans un grincement. Pas un mot depuis le départ, le silence qui les relie se comprend tout seul, il se nourrit d’instants que les paroles ne pourraient pas rendre plus lumineux.

 

Et devant leurs yeux gourmands, les cils humides de pluie, elles traversent le jardin qui est comme un vieux fauteuil dans lequel on s’assied pour se reposer. Elles parcourent les allées bordées d’iris violets, s’émeuvent des jonquilles persistant à envoyer leur jaune d’or dans le temps gris, perçoivent les parfums subtils des fleurs de tilleul qui s’accrochent encore aux branches des arbres. Tout semble nouveau chaque fois, semaine après semaine, le miracle se reproduit, elles voyagent dans un palais invisible fabriqué de couleurs odorantes et de lumière filtrée par les branches des arbres. Cette promenade est un repos pour le regard, et la petite finit, comme chaque fois, par lâcher la main qu’elle tenait pour s’élancer sur les graviers des chemins qui serpentent entre les arbres plusieurs fois centenaires. Elle joue à s’abriter sous les chênes dont les larges feuilles toutes neuves font comme un plafond tranquille au-dessus de sa tête. Elle chante, et cela fait rire Lise, qui la gratifie d’un sourire gracieux. La fillette lève les bras, danse sous la pluie, court chercher le bouton d’une pivoine pour en observer la tendre percée, s’exclame qu’un autre ait déjà déployé sa corolle et repart poursuivre un merle venu chanter près d’elle.

 

La pluie rend ce décor lisse, comme s’il était tout juste né, et qu’il se déplaçait avec la grâce d’un danseur… Ah, si tout pouvait naître et retourner au néant instant après instant, pensait Lise. Elle s’agenouille et regarde Rose. Lui ouvre les bras. La petite se retourne et court vers elle. Se love contre sa grand-mère en humant l’odeur adorée. Cette dernière comprend que chaque moment donné doit être imprégné de conscience, et elle inspire avec application pour garder en elle l’instant qui vient de se frayer un chemin dans le flot du quotidien disgracieux. Elle ferme les yeux, remercie, et laisse repartir la fillette qui s’échappe de nouveau vers ses fleurs. Tout est parfait. Elle prend tout et il n’y a pas de tri à faire, juste les yeux à ouvrir, et le cœur pour remercier.

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Quelque chose attend…

Il s’est levé tôt. Comme à l’habitude. Il a mal aux reins. Comme chaque matin. Il pose les pieds par terre, le dos voûté. L’attitude de celui qui n’attend plus rien. Enfile les chaussons, se penche pour relever le bord au pied gauche. Le cœur bat lentement, comme anesthésié, gelé, alourdi par ce quotidien prévisible qui se déroule jour après jour. Il ne sait pas pourquoi, cependant, mais quelque chose attend aujourd’hui. Il a cette intuition lumineuse qui s’impose. Quelque chose attend, qui pourrait changer le reste. Mais d’où vient cette sensation ? Il l’ignore. Il s’en fout, au fond. On verra bien.
En attendant, il enfile la vieille veste de laine qu’il avait reçue d’Estelle, il y a trente ans déjà… Et déjà un an que son absence se fait sentir, jour après jour. Estelle qui a foutu le camp par la petite porte, après une maladie qui l’avait amaigrie et rendue presque transparente à force d’épuisement. Il sent tous les muscles de son dos en traînant les pieds jusqu’à la salle de bain pour se passer de l’eau sur le visage. Civette se trémousse et miaule pour avoir sa gamelle. Elle fait cela tous les matins. Elle n’a aucune patience. Il s’essuie lentement le visage, passe bien dans les sillons formés par les rides, sent le grattement d’une barbe de trois jours entraver le mouvement du tissu sur la peau et faire un petit bruit désagréable.
En descendant l’escalier, il tient la rampe. Il a des problèmes d’équilibre, depuis quelques temps. Ne songe pas à filer voir le docteur Lescot, qui lui répéterait qu’il faut aller faire des analyses. Il s’en fout, des analyses. De savoir comment il va. Estelle a foutu le camp, de quoi voulez-vous qu’il ait envie maintenant ? En ouvrant la boîte, il sait d’emblée que le meilleur de sa journée est là. Concentré dans l’odeur de café moulu. Un parfum qu’il adore. Cela lui rappelle immanquablement celui des cafés de Rome, où il avait adoré passer des moments avec Estelle quand ils avaient visité la ville, il y a si longtemps déjà… Rome et ses pigeons, ses rues en dédale, ses monuments omniprésents… Une ville musée. Une ville d’ambiance. Et le café. Serré. Parfumé. Délicieux.
La cafetière fait un petit bruit d’eau qui s’écoule en gouttes. Il soupire. C’est si long, ce temps qui passe. Civette miaoute encore, elle veut sortir. Il ouvre la porte fenêtre. Il va faire beau. L’horizon est clair, l’aube se montre, avec des pointes de jaune, de mauve, de rouge vif. Le lever de soleil devrait être radieux. Il s’en fout, au fond. Il serre les bords de la veste contre lui. En fixe la ceinture de laine. L’hiver au cœur, ça tient froid, la plupart du temps. Mais il y a l’espoir, pourtant. La petite Camille, qui vient parfois lui rendre visite, avec la fraîcheur de ses 7 ans. Elle aime bien venir lui parler. Il lui prépare un chocolat au lait, elle raconte des tas d’histoires, elle babille, un vrai rayon de soleil. Il oublie, alors. Pour quelques heures. Mais quelque chose attend. Qu’est-ce que ça peut bien être ? Le cœur sait, mais sa tête ignore le message, tout à son ego, tout à sa tristesse bornée.
Il se pose devant la table en bois. Met la montre cassée dessus. Apporte deux ou trois outils. Il va falloir réparer ça. Il est minutieux. Patient. Trop patient. C’est Estelle qui disait toujours ça : « Tu devrais l’envoyer paître, après ce qu’il t’a fait, tu es beaucoup trop patient ! ». La patience, cela sert souvent. Ça évite de prendre des décisions à la légère. De faire des erreurs. De presser le temps et de se planter. Même si, comme Estelle déclamait à qui voulait l’entendre que « Quand on se plante… ça pousse ! ». L’erreur, ça avait jamais été son truc, à lui. Se planter, cela ne faisait pas partie de ses projets.
La patience est toujours là, à lui tenir compagnie, quand on sonne à la porte. Il se lève, mal aux reins. S’étire et traîne les pieds jusqu’à l’entrée. Le facteur. Bonjour Monsieur Claret. Voici un courrier pour vous. J’aurais dû le mettre dans la boîte, mais je voulais savoir comment vous alliez. Il fait froid ce matin, non ? Un café ? Ah, c’est gentil ! J’ai ma tournée à finir, mais merci de proposer. Bon, bonne journée alors…
Le courrier est là, sur la table. Il n’ose pas y toucher. C’est sûrement cela, le truc qui attend. Le cœur, il se met à battre un poil plus vite, et il se demande pourquoi. T’emballe pas, coco, t’en as vu d’autres. Qu’est-ce qui pourrait bien changer avec un seul courrier ? Comment faire changer ce qui est parti pour durer des années encore, avec la mort au bout, comme un destin bien plié, à ranger dans une armoire qui sent l’antimite et le renfermé ?
Il se prépare à manger. Bientôt midi. Faut bien suivre le protocole. Il évite soigneusement la lettre, toujours posée sur le bord de la table. Il faudra sans doute l’ouvrir. Mais pas maintenant.
Il est vingt-trois heures. Impossible de dormir. Il a bien essayé d’oublier la lettre, mais elle a pris son esprit d’assaut et fait toutes les tentatives pour le pousser hors du lit. Alors il cède. Les pieds nus sur le carrelage, il avance vers la table. C’est froid. Ça sent encore le boudin du repas du soir. Il renifle. Attrape le courrier, dans l’obscurité, ça fait une tâche blanche. Retourne se coucher. Se glisse dans les draps chauds. Allume la lampe de chevet. Regarde la lettre, la tourne entre les mains, soupire. Finit par glisser un doigt maladroit à l’intérieur pour déchirer le bord. Soupire encore. Se demande ce qu’il fout là, dans le lit, tout seul, avec la lettre. Quelque chose attend.
Bien sûr qu’il n’a pas oublié. Aujourd’hui, c’était le jour de l’anniversaire de mariage. Cinquante ans avant, jour pour jour, il s’était marié avec Estelle. Elle avait vingt ans, lui vingt-trois. Ça se faisait, à l’époque, de se marier si jeune. Elle était si belle, avec ses beaux yeux en amande, sa coiffe blanche, ses cheveux bruns qui retombaient en boucle le long de son visage…
Il déplie le papier. Son cœur manque un battement. C’est son écriture ! Celle d’Estelle ! Quelque chose attend, qui le surprend au-delà des mots ! Elle déclame son amour, elle écrit qu’il lui manque, mais qu’elle est toujours là. Qu’elle lui demande de réaliser un dernier souhait. Qu’elle doit partir bientôt et que la lettre sera postée à la date qui convient, par une personne qu’il doit retrouver.
Il ne comprend pas. Relit la lettre. Et finit par voir le sens se dessiner petit à petit. Comme ces photos dans les bains de révélateur. Estelle a écrit avant de mourir, et a donné la lettre à une personne qui devait la poster pour qu’elle arrive le jour de l’anniversaire de mariage. Cette personne, tu dois la retrouver. Tu la connais. Elle a été chère à tes yeux. Elle t’attend. Elle sera là pour toi, comme je ne peux plus le faire aujourd’hui. Je t’en prie, vas la voir et ensemble, apprenez à vivre heureux.
Il replie la lettre, lentement. Le cœur s’est apaisé. Il a été baigné en quelques minutes d’une solution réparatrice, d’un baume enveloppant qui a guéri les vieilles blessures. Demain, il irait la voir. Il partirait retrouver Anne. Cette femme qu’il avait aimée passionnément avant Estelle, et qu’il avait dû quitter. Estelle, elle savait pour Anne et a réussi à la retrouver. Il fallait que l’amour puisse trouver à l’incarner ailleurs. Anne a mis un petit mot à la fin de la lettre. Elle est prête à le revoir. Elle est veuve aussi. Ils ont tellement à se raconter. Demain, il entendra son réveil sonner. Il s’habillera avec soin. Il se rasera, aussi. Et mettra peut-être de l’eau de Cologne. Pour sentir bon. Demain, quelque chose attend. Et c’est la première fois depuis un an. Depuis une éternité.

Si seulement…

Une goutte tombe sur la surface étale de la fontaine en pierre. Un oiseau chante. C’est un nuage qui se reflète dans l’eau. Une feuille s’envole, tournoie, et moi je te regarde pleurer.

Je sens ta gorge serrée, ton ventre noué. Je n’ai pas besoin de tes mots, tes yeux suffisent. Voilà 10 ans maintenant qu’on ne s’est pas parlé. Dix ans à imaginer la vie que tu avais, les hommes que tu croisais, ceux qui t’avaient fait chavirer le cœur, ceux qui passaient juste une nuit, histoire que tu te rappelles que tu avais un corps, ceux qui te regardaient comme une catin, et ceux pour qui tu étais une pierre précieuse… Ceux-là, tu voulais les garder toujours, mais aucun n’est resté…

Une fleur s’abime en pétales dispersés par le vent. L’un d’eux se colle dans tes cheveux bouclés. Moi, je t’ai toujours trouvée belle. Belle comme un soir d’été humide, après la pluie d’orage. Belle comme une main abandonnée sur une épaule éplorée.

Tes larmes coulent, tu n’en peux plus et je te regarde, comme j’aurais aimé pouvoir le faire chaque heure de chaque jour depuis dix ans. Tu étais partie, tu avais laissé la clé sur la porte. Moi, j’avais le cœur à nu et c’était comme si tu avais marché dessus.

Les histoires les plus belles s’écrivent dans le silence. Tu n’as jamais compris que j’avais toujours été là pour toi. La brise soulève ta jupe fleurie, et les minuscules tâches de rousseur sur tes joues brillent des larmes que tu laisses couler. Une odeur de pomme trop mûre. Je passe ma main sur l’herbe, juste assez haut pour l’effleurer et je souris. Simplement. Je souris, je ne peux pas m’en empêcher. Je viens d’arriver à te dire que tu es et resteras toujours la seule pour moi. Toi, tu as pris ma phrase au vol, tu l’as regardée tourner sans comprendre pendant un long moment. Tu as fini par décider que c’était vrai. Tu réalises le temps perdu à se chercher. Celui, abîmé à force d’usure, à parcourir des draps où tu n’étais pas chez toi.

Un petit chat se pointe, qui minaude et se frotte sur ton mollet. Tu laisses ta main traîner pas loin, et il est là, qui se frotte, c’était prévisible.

Tu me regardes, enfin. Jusque-là tu visais l’horizon, avec tes yeux d’étang brouillé par les algues. Je sais que tu sais.

Tu me prends la main. Il n’y a jamais eu d’autre histoire. Tu as juste mis dix ans à le comprendre.

Je suis patient. Je restais là, tapi dans l’ombre d’histoires courtes, je savais que tu viendrais. On entend les cloches de l’église sonner, ça fait vibrer les pâquerettes tout autour de nous. Tu me regardes et ma main, tu la presses dans la tienne.

Tu m’embrasses. Enfin. La vie peut commencer, d’une autre manière. Une manière que j’aime.

Processus créatif

J’ai commencé à écrire sérieusement après la naissance de mon deuxième enfant. Mais avant cela, c’était des tentatives, un peu hasardeuses, mais qui exprimaient bien ce besoin de me poser en écriture comme on arrive dans un pays. Il s’agissait pour moi d’assumer cette envie de raconter dans les mots. Tout le monde aime les histoires. Chacun de nous adore n’importe quel événement de vie, à partir du moment où il nous est raconté comme un déroulement, un conte.

J’avais envie d’écrire aujourd’hui sur le processus créatif. Une expression un peu barbare qui recouvre une réalité pour ceux qui s’acharnent à vouloir tirer d’eux-mêmes toute la lumière des images qu’ils ont dans le cœur. C’est souvent difficile de faire le chemin jusqu’à soi, d’une façon qui soit à la fois naturelle, authentique et fidèle à ce que l’on souhaite exprimer. Souvent, on pense qu’il suffit de… prendre le pinceau, tirer l’idée par le bout de la queue, lancer les mots dans l’air, sortir l’instrument… Mais si les choses peuvent effectivement se passer ainsi, il faut souvent beaucoup d’autres ingrédients pour la petite popotte créative que nous avons sur le feu.

J’aimerais donc partager avec vous quelques trucs qui m’aident à créer. Parce que les recettes sont légions, elles ne correspondent pourtant pas toujours au plus grand nombre… Ce qui m’a toujours aidée, en revanche, est la lecture des bouquins de Julia Cameron, grande prêtresse de la créativité. Et puis laisser du silence autour de soi. Ou plutôt un silence composé : accompagné de musiques signifiantes pour moi, qui me transportent dans un ailleurs qui résonne avec le fond de mon être. Créer l’espace, aussi. Avoir un endroit à soi, si petit soit-il, où on peut se laisser aller à créer sans se faire interrompre, juger ou mettre en boîte. Une pièce, un bout de lieu que l’on aura investi avec ses objets personnels, ses grigris, décoré avec des éléments que l’on aime et qui nous sécurisent.

Et puis sentir le moment. L’inviter chez soi, en réalité. Cela signifie faire un trou dans un emploi du temps peut-être bourré à craquer, et le défendre contre vents et marées. Ce moment est pour vous seul(e). Un instant de vie dédié à laisser l’intérieur de votre vie prendre le pas sur l’extérieur. Quand les mots, les sons, les couleurs prennent le pas sur le bavardage du quotidien pour exprimer des idées nouvelles, manifester des émotions et simplement vivre d’une autre façon. Accompagner de musique ces instants est très inspirant pour moi. Le piano aide beaucoup, ou des musiques sans paroles qui viendraient parasiter de sens la page vide où j’ai besoin de laisser aller la plume. Nurturing process.

Pour aller au-devant de soi, il faut laisser intacte la volonté de dépasser ses limites et y aller. Quoi qu’il en coûte à l’ego, qui voudrait toujours que tout soit parfait. Pour cette raison, je me laisse toujours écrire au kilomètre dans une histoire. Je me dis toujours que je ferai les coupes après. Et dans mon dernier livre, même après la 4ème version, je pense que j’aurais pu couper encore 😉 Mais se laisser créer. Imparfaitement. Car sur le sentier que l’on a choisi d’emprunter, la démarche n’est pas parfaite, les cailloux font dévier le pied, le ruisseau doit être enjambé et pas toujours de la façon la plus artistique qu’il soit… L’important est simplement d’avancer, et de rester toujours fidèle à soi. C’est une manière d’exprimer au monde que l’on est singulier et que l’on se donne le droit d’être, quoi que les autres pourront jamais en dire. C’est notre droit fondamental, et que ceux qui ne créent pas se gaussent dans leur coin, nous avons ce besoin et nous y répondons par nous-mêmes, en toute autonomie.

Une autre voie qu’il m’a fallu longtemps travailler, c’est l’attente. Car il est arrivé souvent que je me reproche à moi-même de ne pas écrire, de ne pas faire alimenter la source créative plus régulièrement. En réalité (et j’ai mis un temps fou à le comprendre !), le processus créatif est sinueux, s’évapore à un endroit pour ruisseler à un autre, il s’échappe mais son courant est très fort… Alors il s’agit parfois d’accepter simplement que le repos est comme un compost d’idées qui se croisent, s’emmêlent et finiront par nourrir le prochain texte, la prochaine peinture, le prochain morceau de musique… Il faut toujours garder cette confiance là, dans toutes les activités que nous réalisons. Garder ce moment d’échange avec une amie dans un café, le sourire du môme croisé dans la rue la veille, le jeu avec le chat sur le canapé, la promenade au bord de l’eau alors qu’il pleuvait… Tout est bon pour le cours d’eau créatif qui va s’insinuer dans toutes les pores du quotidien pour nourrir les travaux de création à venir. Nul ne peut savoir comment ce courant-là va ensuite imprégner les œuvres qui ne sont pas encore créées. Mais il faut rester à l’écoute, aux aguets de ces signaux. Rester confiant que le travail se fait, malgré soi. Et si un jour se termine, où on n’a pas écrit plus de trois phrases, et bien ces phrases seront peut-être le début d’un quelque chose qui fera tout chavirer, qui viendront changer le cours de l’histoire.

C’est une expérience de lâcher prise, au demeurant. Accepter que la création suive son petit but obstiné qui nous échappe, un peu comme l’oiseau capricieux qui ne viendrait pas, chaque fois que nous déposons les graines devant la fenêtre à son intention, mais seulement quand il l’a décidé.

 

N’hésitez pas à partager dans les commentaires comment vous vivez ces moments parfois lents et difficiles, ou bien enthousiasmants et tellement riches…

Guerre à coups de plume

Cairn au sommet du mont Lozère

Je suis en train de lire un livre qui est un véritable maître d’écriture à mes yeux. Il est terriblement bien écrit, les mots sont choisis, érudits, précis. Les descriptions fouillées, les ambiances remarquablement rendues, impliquant les 5 sens, de sorte que l’on se sent voyager en lisant les mots. Pourtant, je n’éprouve aucune émotion en le lisant. Je ne parviens pas à me transporter dans le cœur des personnages. C’est un écueil que j’essaie à tout prix d’éviter dans l’écriture, et sans doute, je n’y parviens pas souvent. Pourtant, c’est à mon sens là que réside le vrai talent d’écriture. Car dans ce livre, tout est contrôlé, cadré, prévu. La vie ne bouge plus, cloîtrée qu’elle est sous la structure, le déroulement logique des chapitres, l’agencement chronologique des idées, des événements. Aucun des personnages n’a été autorisé à sortir du rôle qu’on lui avait assigné. Ce livre, c’est un peu comme un squelette sur lequel on aurait enlevé la moindre trace de chair. Il n’y a plus rien à ronger pour le lecteur que ces descriptions où l’âme n’a pas pu se réfugier, faute d’un abri assez accueillant.

            Personnellement, je n’apprécie rien tant que ces livres où la vie s’invite sans demander la permission. Je trouve que les meilleurs romans ont ce petit quelque chose de fou et d’incompréhensible qui échappe à l’intellect froid du roman « bien maîtrisé ». Même un polar savamment conçu (et où la structure, le déroulement de l’intrigue a une importance capitale) peut répondre à ce critère, pour peu que l’auteur accepte de laisser à ses personnages la bride sur le cou. Je l’imagine, moi, ce héros, se levant soudain de la page, brandissant un poing minuscule, furieux et révolté, à la face de l’écrivain qui voudrait le mettre sous cloche. Sautant près de la main de ce dieu de pacotille qui tente d’aller au bout de son histoire, tel un farfadet facétieux, je vois le petit personnage subtiliser la plume de l’inventeur effaré, et se mettre à promener sur la page lisse le stylo qui pour lui a la taille d’un jeune arbre. Histoire d’écrire la suite de son aventure, avec ses mots à lui. Des mots empruntés à la vie grouillante et imprévisible que l’on a chaque jour devant soi, sans pouvoir toujours en maîtriser le cours.

Il me semble que ce n’est qu’à ce prix que l’on trouve les bons mots pour conter un récit qui pourra vibrer d’une vie qui lui est propre. Il est impératif que la plume suive sa propre logique, et les personnages incarnent la vie qui est la leur dans l’intrigue à demi dévoilée par l’auteur. Ce n’est que lorsque l’auteur accepte ainsi de lâcher prise sur le destin de ses héros que ceux-ci accomplissent le mieux leur mission. Mener le lecteur en imaginaire, comme dans un pays magique où il va connaître un pan de vie authentique. Et puis, à tout prendre, j’ai parfois malgré tout connu cette perte de contrôle, et j’ai goûté avec bonheur à ce sentiment d’imprévisibilité merveilleuse où l’histoire s’échappe du cadre et gagne des rivages que l’on n’avait pas anticipés.

Finalement, ce livre dont je vais terminer la lecture est un excellent professeur d’écriture. Je me demande simplement à quoi ressemblerait l’histoire, si les personnages avaient eu leur mot à dire…  

L’enfant intérieur

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Une fois n’est pas coutume, j’ai envie de partager avec vous un écrit que j’ai rédigé il y a des années de cela, à l’occasion du concours national de Radio Canada. Cette nouvelle a fini dans les 30 premières, et je l’ai écrite en quelques minutes, alors que les 3 autres, que j’avais soumises au préalable, j’avais planché des heures dessus sans susciter de réactions de la part du Jury ! Preuve s’il en est que le vrai travail se fait souvent à notre insu, et que le fait de ne pas contrôler les choses est une bénédiction… En tout cas, la nouvelle que vous lirez ci-dessous est mon cadeau à vous, lecteurs, pour 2017.

Je vous souhaite des gouttes de soleil, de la joie liquide à répandre dans tous les yeux, de l’amour à éparpiller en poussières dans tous les coeurs…

Mon enfant intérieur et moi, on a mis du temps à se rencontrer. En fait, je l’avais toujours ignoré. Sans le vouloir, bien sûr, je ne savais tout simplement pas qu’il était là. Il me regardait, parfois. Me tirait sur la manche, histoire de me faire comprendre que mon insistance à le snober l’agaçait un peu… Rien à faire, je ne le voyais pas. En réalité, je mens un peu, voyez-vous, je savais bien qu’il existait. J’avais eu des aperçus, il y a très longtemps. Petit, je jouais tout le temps avec lui. On s’amusait bien, tous les deux, on faisait les quatre cent coups. C’est sûr qu’avec papa qui gueulait souvent, et maman qui n’avait pas le temps, je le cachais souvent. Parce qu’il ne fallait tout de même pas qu’il se frotte aux grands avant l’âge. Après tout, il était encore petit, et moi je devais le protéger. Je suis fort, moi, et c’est mon boulot, de protéger les petits. C’est comme ça. Jamais rien trouvé d’autre à faire. Enfin, si. Disons que je ne pensais pas pouvoir faire autre chose. Avant. Avant de devenir grand.

Bref, j’ai grandi, et le petit a foutu le camp. Il venait me voir, encore, de temps en temps. Il se posait deux minutes. Quand j’étais en vacances, par exemple. Il venait tout doucement, sur la pointe des pieds. Un vrai petit fantôme. Et me soufflait des mots à l’oreille. Ça ressemblait à des choses drôles comme : « Dis, tu m’avais promis un jour de m’emmener rouler dans les vagues ». Alors moi, naturellement, je lève les yeux de mon bouquin que je lisais tranquillement. Je regarde la mer devant moi, depuis ma petite chaise ridicule que Juliette adore trimballer sur les plages. Avec mon short à grosses fleurs, j’ai sûrement l’air d’un grand… con. Sans doute. Alors j’écoute la petite voix toute douce. Et j’aperçois les vagues qui s’arrachent à la mer dans un bruissement de sable. J’aime ça, écouter le bruit, c’est comme un battement de cœur, en plus léger. Et puis je finis par tourner la tête vers mon petit gars, je lui dis « attends un peu, je finis mon chapitre ». Le truc est simple. Le pavé que je lis n’a aucun chapitre. Juste une longue histoire – un peu indigeste, d’ailleurs – que je lis depuis des semaines. Il ne le sait pas, lui, le petit. Il dira rien. Alors je baisse la tête sur mon livre, et je continue. Et je constate, à la fin de l’après-midi, quand le soleil commence à se coucher tranquillement sur la mer, que le môme n’a pas ramené le bout de son petit nez. Il a dû se lasser.

Je ne faisais pas trop attention, à force. J’étais habitué à ses petites intrusions. Il aimait bien quand j’étais seul, par exemple. Il venait alors, subrepticement, et me demandait de faire des choses, de lui fabriquer un avion en papier, d’inventer une machine à faire du chocolat. Bon, je l’écoutais un peu, m’énervais parfois. J’arrivais toujours à le tenir un peu à distance. C’est vrai, quoi, avec les enfants, il faut toujours se méfier, sinon on se fait bouffer. J’avais appris l’expression parfaite : « Il faut poser des LIMITES ». Voilà. Une fois qu’on a compris ça, ça va tout seul ! Mais mon petit, il ne me lâchait pas. Les limites, c’était celles de son imagination, autant dire que pour lui, ça n’existait pas. Alors un jour, j’en ai eu assez. Je l’attendais, là, tranquillement assis à mon bureau. Tout le monde était parti depuis longtemps, j’avais un rapport à terminer. Juliette devait déjà dormir, et moi, je restais là, penché sur mon ordinateur, avalant de grosses gorgées de café froid pour me tenir éveillé. Mais en fait, je guettais sa présence. Au bout d’un long moment, quand il a pu être sûr que personne n’était dans les parages et que j’avais l’esprit bien occupé (il adore venir me déranger quand je suis concentré sur quelque chose, ça doit être son côté pervers, sans doute), il est arrivé près de moi. Il s’est penché d’un air inspiré sur ce que j’étais en train d’écrire, ce qui m’a assez agacé, je dois dire. Et puis il a laissé éclater un rire clair comme une fontaine. Il semblait impossible à calmer. Et ça allait bientôt être mon cas aussi. Mais il a remarqué à temps que je commençais à ressembler à une cocotte minute avant l’explosion. Ça l’a arrêté net. Il m’a alors souri, gentiment, ce qui m’a surpris. Je ne suis plus trop habitué à ce qu’on me fasse des sourires. Des vrais, je veux dire. Il y a bien les sourires faux de mes collègues, et de tous ceux à qui j’achète des trucs : les fleurs, le café, le restaurant… Mais ce sont des sourires en papier mâché, des choses qui ressemblent plus à des roses fanées qu’à des vrais sourires. Et là, mon bonhomme m’en envoie un de qualité supérieure, un sourire vivant, avec des bouts de quenottes blanches et tout. Il aurait presque pu se décrocher tout seul de sa mâchoire pour s’envoler dans la pièce. Bien sûr, ça m’a déconcentré. Je voulais lui expliquer une bonne fois pour toutes que c’était fini, terminé. Que je ne voulais plus qu’il traîne dans mes pattes. Qu’on venait de m’offrir une belle promotion toute dorée avec un ruban rose autour, et que maintenant, je n’aurais plus du tout le temps de jouer. Plus du tout. Ni de rire, de manger des vers de terre fris, de sauter à la corde ou de visiter des grottes de fées. Juste des rapports à taper, des poignées de main à serrer, de l’argent à mettre à l’abri dans un compte tout neuf spécialement ouvert pour ça…

Au lieu de cela, voyant ce sourire en or massif, je me mets à rire. Un rire ouvert, qui éclate sur les murs fades du bureau. Un rire qui explose d’un coup tous les néons au-dessus, et qui ricoche sur les fenêtres qui donnent sur les tours d’à côté. Je ne comprends rien. C’est comme si ce bruit qui m’avait quitté il y a une bonne dizaine d’année avait réintégré son habitat. Je venais de sauver sans le savoir une espèce en voie de disparition! Alors ça m’a foudroyé, de me rendre compte que même le rire se permettait de faire une intrusion chez moi sans même m’en avertir. Je me suis levé et, sans jeter un seul regard à mon petit bonhomme qui devait être bien étonné, j’ai pris mes vêtements, ma sacoche, et je suis parti en claquant la porte. Non mais. Cette fois, j’ai pensé en dévalant les escaliers, je devrais avoir la paix pour un moment. C’est vrai, quoi, à la fin. Pas moyen d’être tranquille, alors même que je m’étais barricadé dans mon bureau après le départ de tout le monde! Mais j’ai fait contre mauvaise fortune bon cœur, je me suis dit « après tout, il doit se sentir seul, ce petit, c’est pas de sa faute ». Mais je décidai ce soir là de lui dire mon sentiment, et sans détour cette fois, la prochaine fois qu’il se permettrait encore une intrusion inopinée.

Le temps passait, pas de nouvelles de mon petit collant. Ça m’arrangeait. J’avais de moins en moins de temps, et surtout pas celui d’aller faire des niaiseries sur le bord des vagues! Le travail absorbait une quantité considérable de mon énergie, et je consacrais les miettes qui restaient à ma femme, toujours aussi dévouée, mais plus distante. Bah, je me répétais le soir quand je rentrais trop tard pour la voir, ça va finir par s’arranger. Elle m’avait vaguement parlé de quelques soucis de boulot, et elle avait conclu qu’elle avait peut-être besoin d’un break. La vie s’écoulait donc paisiblement, mais je devais de plus en plus souvent voyager, pour le travail. Juliette m’appelait tous les jours, on était bien. On s’organisait même des fins de semaine dans des endroits exotiques. C’est ce qu’il y a de pratique quand on a un gros boulot : on a plus d’argent pour se reposer de la surcharge de travail que ça occasionne. Alors on se voyait elle et moi dans ces occasions. Et je pouvais facilement profiter de la plage, sans entendre la petite voix qui m’appelait pour que je vienne me rouler dans les vagues.

Un jour, j’ai dû partir à San Francisco pour un congrès très important. Comme j’avais la possibilité d’y emmener, Juliette, elle était venue avec moi. C’était bien, cette opportunité de partir à deux. Ça faisait quelques mois qu’on avait pas pu se trouver du temps en amoureux. Alors on était allés se promener en ville et on avait bu des cocktails très chers et très colorés dans un bar qui donnait sur la baie. C’était beau, on était amoureux, on se tenait par la main, et le congrès ne commençait que le lendemain. C’était une de ces nuits d’été qui vous remplissent la tête de nuages, on ne peut pas s’empêcher de trouver que ça sent bon partout, que les gens sont gentils, et que vivre est quelque chose d’extraordinaire. On marchait, tous les deux, et puis on est rentré à l’hôtel, tout émoustillés. On avait commencé à s’embrasser à peine arrivés dans la chambre. La pénombre qui habillait la pièce faisait une atmosphère très romantique, et j’avais une envie carnassière de la peau de Juliette. Elle aussi, je pense. On s’était déshabillé avec une fièvre peu habituelle, et on s’était jeté l’un sur l’autre avec un appétit qui aurait fait honte à un ogre. Après l’avoir dévorée et subi le même sort, j’étais resté allongé à ses côtés. Je regardais les étoiles qu’on apercevait depuis la fenêtre. Juliette est alors partie se faire couler un bain. J’ai alors entendu un bruissement. Un mouvement presque imperceptible. Ça bougeait, à côté du lit. Les draps, quelque chose, ça m’intriguait. Soudain, je l’ai reconnu. Il s’amusait à se déguiser en fantôme avec les draps du lit, le gamin! Sur le coup, surpris, j’ai souri parce que ça m’avait amusé, ce petit jeu. Et puis je me suis souvenu de mes résolutions. Pas question que le môme vienne encore me pourrir la vie ! Alors je m’apprêtais à lui dire de me fiche la paix une bonne fois pour toute, avec toute la sévérité de grand-qui-a-de-l’autorité dans la voix. Quand il s’est redressé pour me regarder. Il a fait un truc incroyable. Il s’est mis à dessiner le contour de mon visage de sa main minuscule d’enfant de 4 ans. Il devait bien avoir 4 ans je pense. Et sa main se posait là, aussi léger que s’il avait passé une plume le long de ma joue. J’étais incapable de réagir, bien sûr. Je le laissais faire, sidéré de sentir ma peau se parcourir d’un long frisson. Quelque chose qui ressemblait à de la douleur, et à de l’attendrissement en même temps. Un truc impossible, quoi. Il était là, et j’étais bras ballants à côté, ne sachant plus quoi faire ni quoi dire. C’est alors qu’il s’est mis à me parler. Lentement, comme s’il avait peur qu’avec mes oreilles de grand, je ne comprenne pas. Il a dit : « Peut-être que tu voudrais que je parte pour toujours. C’est triste, ça, parce que moi je t’aime. Je suis pas capable d’aller ailleurs, c’est chez toi ma maison. Ça fait longtemps que je t’attends, tu sais. Je m’occupe, je joue avec des bouts de ficelle ou je lis des livres, des fois. Des livres pour les enfants, tu vois, avec des images et tout. Mais je m’ennuie. J’aimerais bien que, des fois, tu me prennes par la main, que tu me racontes des choses que tu sais. Et puis je sais pas pourquoi je suis obligé de rester là, mais c’est comme ça. Alors, s’il vous plait, tu pourrais pas jouer avec moi, des fois. Un peu, pas beaucoup, juste pour tenir la queue du chien pendant que je le caresse. Ou alors pour aller voir grand-mère Lisette et manger ses crêpes, tu sais, celles qu’on avalait quand tu étais petit. Elle t’attend, grand-mère, et elle m’a dit qu’elle allait bientôt partir. Alors faut pas que t’attende trop. Et puis j’ai décidé que j’irai avec elle, si tu veux plus me voir. On se donnera la main, tous les deux, et on s’en ira voir le pays des girafes, là où qu’y a de la neige et tout. Ou peut-être qu’on ira là où qu’elle a dit, avec les nuages. Tu comprends? »

À ce moment là, j’entendais le bruit liquide de Juliette qui barbotait dans son bain. Aucune lumière pour faire briller ce qui coulait de mes joues. Tant mieux, c’est pudique, un grand. Mon petit homme se tenait tout droit devant moi, avec un visage sérieux comme je lui en avais jamais vu. Je ne savais pas quoi répondre. C’est vrai que j’avais été dur, avec ce petit. Je l’avais ignoré, je l’avais puni, parfois, écouté, trop peu. Je l’avais mis dans une petite boîte que j’avais refusé d’ouvrir, ne serait-ce que de temps en temps. Forcément, à la longue, il menaçait de manquer d’air. Alors je l’ai pris dans mes bras. Je l’ai serré longtemps, à la lueur des étoiles. Et je lui ai promis que j’allais bientôt lui construire un bateau, pour lui tout seul. Un truc qui va sur l’eau et qui fait des courses avec les dauphins. Après lui avoir fait un bisou pour qu’il s’endorme vite, j’ai rejoint Juliette. Dans son bain. Avec ma robe de chambre. Elle riait, ça faisait plaisir à entendre. On a parlé longtemps, nous aussi. À la fin, elle a fait comme moi, elle s’est mise à pleurer.

Aujourd’hui, Lam a 4 ans. On l’a conçu pendant cette fameuse nuit à San Francisco. On a amarré ‘Petit Môme’ dans un petit port de Nouvelle Zélande, et il fait un temps splendide. Juliette a un bronzage doré qui lui fait les épaules cuivrées. Et mon petit bonhomme est assis à la barre, je lui apprends à naviguer. On prévoit d’être en Europe dans une petite année. Après, je ne sais pas encore. On verra bien. Ça dépendra des vents.