Ces miracles dont on ne se lasse jamais…

On en a vécu, des aventures… De la ruelle montréalaise aux pontons de Pointe à Pitre, des couleurs des érables dorés à celles de la mer aux Bahamas… Et puis ces moments de route sur les sentiers de Stevenson, les chemins de la Loire à vélo, le bivouac dans les Pyrénées, les petites soirées raclette et les grandes tablées dans la famille. Les instants partagés, et ceux où je vous regardais grandir du coin de l’œil, quand vous partiez pour devenir un peu plus libres loin de moi. Tous ces bouts de temps passés avec vous sont des morceaux colorés sur le tissu de ma vie, qui forment le dessin le plus beau que j’ai jamais réussi à composer.

Vous êtes des hommes debout, je ne voudrais différents pour rien au monde.

Vous m’avez appris à être mère, et je poursuis mon apprentissage, un jour après l’autre. Vos sourires, vos larmes m’ont construites et m’ont émue, je ne me lasse pas de vous regarder vivre. Vous êtes des lumières dans les petits univers dont vous êtes le centre, et vous éclairez mes pas autant que je peux éclairer le vôtre, peut-être.

Je me souviens de tout, les câlins aux bébés que vous étiez, les jeux de bisous, les courses folles dans la forêt, la pêche sur le bateau, les soirées crêpe, les descentes de ski à toute vitesse ou sur les fesses quand on ratait le virage, les promenades au bord de l’eau à La Rochelle et les festins de glace sur l’île du Prince Edouard, les rires de partout et ces interminables soirées film/pop corn qui nous permettaient de régaler l’âme et de nourrir l’imaginaire…

Aujourd’hui, vos sourires ont un peu vieilli, ils sont devenus matures, ouverts, et posés. Restent les câlins, ceux que vous continuez à donner sans retenue et que j’accueille avec une gratitude qui frise l’indécence…

On a vécu des aventures incroyables, et la plus belle de toutes, c’est bien de vous avoir mis au monde…

Emmanuel Lepage, le magicien aux doigts d’or

Planche issue du livre Voyage aux îles de la Désolation d’Emmanuel Lepage
(ed. Futuropolis, 2011)

J’ouvre le livre. Ça fleure bon le neuf. Pages de qualité, épaisses, brillantes. Les images, contrastes en noir et blanc, ou les couleurs tantôt passées, tantôt flambantes. Je me laisse porter. J’entre en images comme on le fait en religion. Emmanuel Le page, je l’ai découvert il y a un mois. Quand mon cousin m’a offert une de ses BD. Un printemps à Tchernobyl (ed. Futuropolis, 2012). Et là, dans son Voyage aux îles de la Désolation(ed. Futuropolis, 2011), l’aventure est encore plus intense. Vibrante. Discrète et sauvage. Alors pour vous raconter tout ça, je vous laisse mettre en musique de fond les chansons de ce cher Yann Tiersen, de l’album Eusa. Je trouve que ces mots mis en note s’accordent parfaitement aux paysages désolés des fenêtres ouvertes par Emmanuel dans son œuvre (le mot est juste). Voyage aux îles de la désolation. Comme dans tous ses livres, on y entre par la petite porte. Celle d’un quotidien balayé par un coup de crayon juste, épuré, et terriblement précis. Emmanuel décore chaque planche de détails qui rendent vivants les scènes qu’il décrit. On sent les odeurs, on pourrait toucher ce comptoir, et les yeux se promènent sur les images comme on ne pourrait pas le faire lorsqu’on regarde un film. Là, on peut. On a le droit (le devoir ?) de parcourir le carré dessiné pour en absorber tous les menus indices. Je me laisse embarquer sur le Marion Dufresne, et je sens les odeurs de fioul dans la salle des machines. Quelques plans de la chambre maltraitée par la houle, et j’aurais presque le mal de cœur. C’est juste incroyable, de rentrer ainsi dans une histoire comme on visite un pays. C’est une première, cette expérience, et j’en remercie chaleureusement l’auteur, car lire ces livres, c’est comme se poser un moment sur l’épaule du dessinateur pour vivre avec lui ces moments uniques qu’il a traversés, le crayon à la main. 

Et quel crayon ! Il dessine comme il regarde, avec une application et un sens de l’observation digne d’un appareil photo ! Je suis avec lui sur cette colline où il découvre ces centaines de manchots qui font un boucan d’enfer, ou lorsqu’il se tient sur le pont du bateau qui lui fait découvrir les rivages de la Réunion. J’écoute les craquements du bateau et je peux presque toucher les visages des gens qu’il croque sur le vif. Car il aime les gens, cela transpire dans le moindre des traits avec lesquels il les représente. Les gens qu’il arrive à poser sur le papier sont des personnages qu’il sait décrire à merveille du bout de la plume ou des mots. Et cela fabrique un joyeux nuage de personnalités qui, chacune, a son rôle à jouer dans l’histoire. Emmanuel est un magicien avec pour baguette magique un crayon de papier. Et pour peindre le monde, tous les outils sont bons. Il éclaire un ciel polaire d’un déchirement de ciel aquarelle, réveille un paysage insulaire avec des pastels de couleurs vives, dépeint une ambiance survoltée à coups de crayons anthracite… A chaque sujet sa couleur, son medium, son parfum. 

Je sors de chaque livre un peu hébétée, vaguement déçue que l’histoire se termine. Empressée d’aller rejoindre l’aventure suivante, jusqu’au moment où j’aurai tout absorbé, tout parcouru, et qu’il me faudra attendre un peu d’oublier pour m’y replonger avec délices. Sauf si avant cela je cherche une inspiration pour une couleur à poser, ou j’ai simplement besoin d’avoir une image à contempler… Merci Emmanuel de déposer ainsi une jolie poésie sur tout ce que tes crayons touchent. La beauté de ce qu’ils racontent sont un hymne à ce qui vit. J’y retournerai quand j’aurai du vague à l’âme, accompagnée de Yann Tiersen, pour ressentir la vie plus intensément, et m’emplir les poumons de cet air marin qu’Emmanuel a su mettre sur papier. 

Yann Tiersen et les vagues

Tandis que je vous écris s’égrènent des notes au piano. La musique de Yann Tiersen m’accompagne depuis la sortie du film Le fabuleux destin d’Amélie Poulain. On dirait que les airs qu’il invente sortent tout droit d’un coin de l’âme, qu’elles racontent l’histoire du monde. Ses notes sautillent joyeusement, on dirait le crépitement du sable sur une plage un jour de pluie battante, ça sent l’herbe mouillée et les enfants qui sautent à pieds joints dans les flaques. D’autres fois, c’est une mélancolie douce qui s’écoule devant les yeux, comme ces paysages qui s’enchaînent devant la vitre d’un train, dans la campagne. Un rayon de soleil vient déchirer le ciel bas et c’est la renaissance. Yann Tiersen invente des pays où la nostalgie peut s’allonger sur un divan et prend ses aises. La tristesse trouve un écho, et en devient moins pesante, de se savoir ainsi écoutée. Il rafraîchit ce que la vie donne à voir sans filtres, et apporte une profondeur à des scènes toutes simples du quotidien. Mettez un jeune homme à un piano dans une gare de France et demandez-lui de jouer la musique de l’album Tabarly, ou Eusa. Vous verrez combien tout, autour de vous, prendra la lumière d’une autre façon, chaque seconde gagnera une intensité qu’elle n’avait pas avant. Ecouter ce piano qui s’échappe par les pores de la partition, c’est choisir une existence où la vie se regarde et s’observe. C’est un instant volé à la course du temps, où flotte une couleur vive dans une journée d’été, l’ombre d’une fleur, la chute d’une feuille au pied de l’arbre. C’est une respiration lente, dans une journée qui s’affole. Je vous invite à découvrir ou réécouter ces merveilles qui dépassent de loin la simple musique que l’on offre à ses oreilles quand on veut se détendre. Il s’agit plutôt d’écouter un battement de cœur et de le laisser répandre la vie autour de soi.

Mes bonnes adresses à Tours

Café de la Victoire

Depuis longtemps, et vu que je vais bientôt quitter cette jolie ville, je souhaitais vous faire un palmarès de mes meilleurs coins à Tours. C’est un peu une façon de partager avec vous des chouettes endroits que j’aime fréquenter, des bons plans, et de remercier aussi des personnes qui tiennent ces lieux qui font du bien ou qui permettent de développer une fibre écolo qui prend ses aises de plus en plus dans notre environnement.

            Aujourd’hui, je voudrais évoquer les cafés. J’ai un rapport très particulier avec ces endroits où flottent des odeurs de petit crème tout frais et de gâteaux fraîchement sortis du four. C’est en effet là que j’écris. J’adore m’asseoir à une terrasse et passer deux ou trois heures à faire avancer une histoire ou à prendre des notes pour mon prochain bouquin. L’important, ce n’est pas tant la qualité du café (je suis aussi grande amatrice de thé !) que l’accueil, l’énergie que je sens dans la boutique. Et à ce titre, les choix que je vous présente ici sont l’heureux mélange d’un accueil aux petits oignons, et de boissons de qualité. Je vous laisse donc imaginer dans chaque endroit des effluves d’expresso et les sourires qui les accompagnent.

LE CAFÉ DE LA VICTOIRE

J’y suis tout le temps fourrée. J’adore la mine avenante et profondément gentille de la patronne, qui se promène en jean décontracté et queue de cheval à longueur d’année. La déco du coin est sympa, toute refaite à neuf, et les miroirs, les baies vitrées font des lieux un endroit lumineux et accueillant. Le café de la Victoire donne sur la petite place de la Victoire et a ses habitués. Il est pas mal achalandé le mercredi et le samedi, marchés de fripes et de brocante oblige, et cela donne une ambiance bon enfant dont profitent les exposants autant que les promeneurs pour discuter le coup autour d’une bière. J’aime l’ambiance musicale un peu rock, et la mine des clients, dont certains viennent pour le plaisir de discuter le coup dès l’ouverture. Le café est du tonnerre, mais le thé aussi, ce qui est assez rare. La plume glisse toute seule dans cet endroit cocon où je retrouve ma muse avec plaisir et elle me chante à l’oreille en se mirant dans les miroirs décorés de ce chouette endroit. Mon best of pour écrire !

LE COURT CIRCUIT

Petit voisin du café de la liberté, car situé sur la même place, le Court Circuit est un de mes petits chéris pour des raisons d’abord sentimentales. Jeff, fondateur de l’endroit, avait en effet fait un appel à toutes les compétences pour le rénover et concevoir le mobilier en bois de palette en 2015. Il venait de louer cet emplacement pour y installer un café locavore, un concept assez récent, et s’était lancé dans l’aventure avec un financement participatif, beaucoup de bonne volonté et une vision écolo-sympathique qui m’a tout de suite plu. Qu’à cela ne tienne, nous sommes venus mes garçons et moi visser des vis, couper des planches et construire des tabourets pour décorer le futur café. Le résultat est vraiment étonnant. En un poil plus d’un an, le Court Circuit est devenu une référence locavore dans la ville, et toute la vie associative alternative et animée par des valeurs écolo et altruistes se retrouve désormais dans ses murs pour des conférences, des réunions et des animations de toutes sortes. Et comme Jeff a un charisme naturel et un enthousiasme communicatif, il a embarqué dans son sillage toute une brochette de personnes aussi dynamiques et branchées que lui sur les questions d’environnement. Bref, j’ai eu le plaisir par son intermédiaire de faire la connaissance, dans ce bateau équitable, de marins tels qu’Emily, au sourire mutin, Paul, chaleureux et menuisier de talent, sans oublier Loïc et les autres. Le Court Circuit, c’est passer un après-midi peinard à discuter entre amis autour d’une bière locale ou d’une tisane du coin dans une ambiance décontractée à la déco originale, avec un accueil adorable et des petits plats maison extras.

BRUNCH ET GOÛT THÉ

Il m’est arrivé pendant longtemps de errer parmi les cafés de Tours sans trouver l’endroit où viendrait l’inspiration. Je cherchais un mouton à 5 pattes et je me perdais dans des cafés où l’ambiance ne permettait pas à l’écriture de prendre sereinement son envol. Et puis j’ai atterri à Brunch et Goût Thé. D’emblée, poser les pieds dans ce salon de thé, c’est s’exposer à des odeurs enivrantes de gâteau chaudement sortis du four… Gourmands de tous poils, gare à vos papilles ! Les douceurs sont délicieuses et toutes faites maison… Déco de jardin d’hiver, avec les chaises en métal à l’assise couverte par les traditionnels petits coussins, au pied des tables rondes en métal. Le tout dans des teintes vertes, et la libellule pour mascotte. Accueil discret de la patronne, qui cuisine en arrière boutique pour préparer le lunch qui sera copieux et goûtu à souhait. Gentillesse tranquille du serveur, aux petits soins avec les clients et qui distribue sans compter de discrets sourires. Des thés à tous les parfums et tous les goûts, servis dans de petites théières en porcelaine. Sans oublier un chocolat chaud maison à tomber par terre. Même la version viennoise, avec sa montagne de chantilly, n’est pas nécessaire. C’est du concentré de chocolat, tellement épais que la petite cuiller tient presque toute seule dans la tasse ! C’est là que je peux écrire durant des kilomètres sans lever le nez, sûre que j’évolue dans un cadre où tout peut arriver.

LE PETIT ATELIER

Ce café est minuscule, bien planqué entre deux maisons de la rue Colbert, dans le centre de Tours. On y entre et on est pris d’emblée par les odeurs de café moulu qui flottent dans la place, immanquablement. Car la spécialité du petit atelier, c’est précisément le café, de toute première qualité, et décliné sous toutes ses formes. Les puristes qui tiennent l’endroit se déclarent opposés au déca, souvent fabriqué avec des solvants ou utilisant des quantités d’eau aberrantes. Une petite fibre écolo qui n’est pas pour me déplaire. On choisit sa boisson, et il serait dommage de passer à côté de leurs nectar de café, préparés à toutes les sauces, entre les expressos, les lattes décoratifs (ils sont parmi les seuls que je connaisse à faire ces jolies décos avec de la mousse de lait que j’aimais tant à Montréal) et toutes les déclinaisons possibles autour du café. On s’installe sur un des petits fauteuils à dossier, ou sur les tabourets bas, à moins qu’on se laisse tenter par le canapé du fond. Ambiance feutrée, c’est l’endroit parfait pour les conversations intimes à 2 ou 3. Quant à moi, je ramène ma fraise pour une séance d’écriture décontractée. En hiver, j’y plonge pour quelques heures avec délectation, sûre de pouvoir avancer sans être dérangée au fil des mots qui se déposent sur mon écran…

LE VIEUX MÛRIER

Le Vieux Mûrier est un des cafés mythiques de la fameuse place Plumereau, dite « Place Plum » par les tourangeaux. La déco y est celle d’un bistro fleurant bon les années, avec comptoir en bois, petites lampes de chevet et photos anciennes. C’est un de ces lieux où l’on se sent immédiatement chez soi. Et les serveurs, diligents et sympas, soulignent avec gentillesse cette impression de confort cosy. J’y viens été comme hiver, aimant autant faire le lézard écrivain sous l’auvent qui longe la vitrine, qu’autour de la petite table qui se niche dans un coin du café, avec sa petite lampe abat jour et son point de vue discret sur les tables alentour. Je peux passer des heures entières à dérouler mes histoires entre ces murs accueillants, en sirotant des cafés excellents et des thés parfumés dans une atmosphère paisible.