
Voilà bien longtemps que je n’ai pas écrit. C’est la première fois depuis que ce blog existe… 10 ans déjà ! Auparavant, je mettais un point d’honneur à écrire chaque mois, ou au moins tous les 2 mois. Et là, non. Une catastrophe ? Sans doute pas. Pourtant, je n’aimais pas l’idée de ne pas être là pour mon propre rendez-vous. L’idée de lâcher une activité dans laquelle je m’étais jusque là investie. Quelque chose de l’ordre de la culpabilité me taraudait, inutilement. J’ai aussi depuis quelques temps lâché la méditation, que je pratiquais jusque là plus ou moins quotidiennement depuis une quinzaine d’année. Et l’écriture de mes livres, je l’ai aussi un peu laissée flotter. La pratique du yoga, qui s’est espacée. En fait, toutes ces disciplines, ces habitudes qui jusque-là me nourrissaient, sont devenues comme vides de sens. Un peu comme lorsqu’on fait de la bicyclette dans un paysage magnifique, mais sans se rendre compte de ce qui nous entoure, juste pour la simple habitude que l’on a prise de faire de la bicyclette parce que « c’est bon pour la santé ». C’est le genre de phrase à la con qui m’a souvent conduite à poser des gestes sans toujours avoir la bonne intention. Lorsque j’ai monté un atelier d’écriture l’automne dernier, je pensais vouloir transmettre ce que j’avais appris, et accompagner des personnes dans l’écriture parce que j’avais ce besoin d’enseigner, de partager. Mais finalement, j’ai réalisé que l’intention cachée derrière était un simple besoin de réassurance par rapport à mes talents supposés d’écrivaine. J’avais besoin de cette caution pour me donner le droit de continuer à écrire. Bien sûr, ce genre de manœuvre est voué à l’échec. Et quand j’en ai pris conscience, j’ai mis fin à l’atelier. J’attends pour en refaire d’avoir cette fois la bonne intention, qui sera tournée vers les participants et non vers mon besoin de sécurité…
Toujours est-il que j’ai lâché des activités que j’avais fini par réaliser par habitude, par réflexe, ou pour m’assurer un cadre de fonctionnement rassurant, mais vide de sens. Cela ne me nourrissait plus, car l’intention n’était pas la bonne. Ecrire pour publier ne rime à rien pour moi, ou alors on pervertit l’écriture qui doit d’abord, selon moi, partir du plus profond de soi et, peut-être un jour, dans un 2èmetemps, toucher les autres. Je méditais, mais davantage avec l’intention d’être plus calme, plus posée. Et ce faisant, je m’interdisais ces retombées positives, car je ne lâchais pas prise sur le résultat. C’est comme de prétendre écrire un bouquin valable sans jamais écouter ce que les personnages peuvent avoir à dire sur ce qui va leur arriver : l’intrigue devient morte, sans saveur, tant elle est manipulée et cadrée par l’auteur. Cela me rappelle ainsi le roman d’une jeune écrivaine dont le but était la publication à tout prix. Elle avait travaillé sur son livre jour et nuit, en reprenant chaque phrase, mettant en cage le personnage à un point tel que son histoire était sèche, que la peau sur les os, et en l’occurrence aucun os émotionnel à ronger pour le lecteur. La grammaire, l’orthographe, la syntaxe étaient irréprochables, mais tellement policés qu’aucune vie ne pouvait s’infiltrer entre les lignes. Un roman mort en somme. J’en étais là. A tout vouloir contenir par la raison, le rationnel, le devoir et le contrôle, plus rien ne m’échappait, et ce faisant, tout m’a échappé. La vie ne circulait plus, prise qu’elle était dans ce tissu serré de contraintes qui faisait fuir la plus petite notion de plaisir.
Depuis ce constat, je chemine. Je combats mes dragons intérieurs, ceux qui ont donné tout son pouvoir à ma baguette de contrôle. Je suis en train de jeter ladite baguette dans le courant de vie qui s’insinue depuis que j’essaie de lâcher prise sur tout ce que je voulais auparavant contrôler. Une vie de contrôle est invivable. D’abord pour soi, et surtout pour l’entourage, qui est sensé se conformer lui aussi aux diktats de la baguette. C’est étouffant et stérile, même si c’est la stratégie que la petite fille que j’étais avait choisi pour survivre. Mettons que je lui apprends désormais à utiliser le cœur pour avancer, et que la raison est appelé à son secours en cas de besoin, mais sans plus l’autoritarisme du contrôle à tout crin. Il s’agit pour moi de réaliser que la vie, dans ses aspects les plus créatifs et les plus sains, nous donne toujours les moyens de faire ce qui doit être fait pour grandir. Pour peu qu’on lui en donne l’occasion, et qu’on lui fasse suffisamment confiance pour trouver les réponses. J’ai tant lutté pour les forcer à naître, ces réponses, quand il aurait suffi de simplement écouter et observer ce qui se passait en moi… J’ignore si ce que j’écris vous parle, mais je lâche prise sur ce résultat aussi 😉 J’apprends à juste laisser advenir les événements, et à y prendre peu à peu les trésors que la vie dépose devant moi. Lâcher prise, ainsi, c’est trouver l’or dans le tas de feuilles que l’automne fait tomber de l’arbre. Et cet or pourra prendre des formes inattendues que je suis prête à accepter.
Et puis, il faut bien l’admettre, cela demande tellement moins d’énergie de recevoir les cadeaux de la vie, plutôt que de la disperser à fureter dans tous les coins de la planète pour chercher ce qui se trouvait juste à côté… Rester immobile et prendre les cadeaux de la vie sans attendre davantage. C’est devenu ma quête. Et quand je serai prête à méditer pour les bonnes raisons, je le ferai de nouveau. Lâcher prise, c’est un moyen de permettre à la vie de circuler librement en soi. Des miracles s’accomplissent lorsqu’on accepte de jouer ce jeu là.