Ados… à dos!

OLYMPUS DIGITAL CAMERAMa maison contient un immense trésor. Dans l’ordre, un aspirant adolescent, un adolescent en bouton et un adolescent en fleur. Trois stades d’une période si riche et si étonnante. Petit coup d’œil en hauteur, vue depuis l’arbre de la maternité, sur ces petites graines d’adultes que seuls le soleil, l’amour et beaucoup de pâtes font pousser…

Laé est le plus jeune, l’aspirant ado au cœur encore très très tendre. Il a lutté fort et des années durant contre papa, le poursuivant de ses mouvements de colère et de ses cris de guerre intempestifs. Il s’agissait de pourfendre le salopard qui avait volé maman, même si d’un point de vue chronologique (et il le reconnaît lui-même, le bougre), l’idée se défend difficilement. Il fallait donc faire la peau à un papa qui prenait sa place dans le lit conjugal. Passée cette délicieuse période où mon chevalier servant se préoccupait de mon bien être presque autant que de celui de son doudou, mon chéri essuyant désormais péniblement les tâches de ces tomates que lui lançait hier encore si tendrement son petit dernier, l’envie de grandir a pris le dessus. Il s’est donc mis à construire le monde. Au sens propre. Et sale aussi, si on considère les dégâts occasionnés par les bricolages qu’il entreprend dans tous les coins de la maison. À ce jour, nous avons hérité d’un yacht pour minions (ces adorables créatures jaunes dans le film pour enfants), d’un château taillé dans un cube de béton, d’une multitude de petites boîtes issues de matériaux tous plus originaux les uns que les autres… La liste est longue. L’aspirant ado, curieusement, ne manifeste plus avec autant de véhémence sa volonté qu’il veut souveraine et (elle aussi) propre, sans bavures. Il négocie. Adroitement parfois, quand il comprend que les cris ne feront qu’aggraver son cas qui est déjà dans un sale état… Il minaude aussi parfois, au point qu’il me rappelle alors vaguement le chat de Shrek, tenant dans ses pattes un énorme chapeau (le chat potté a aussi un couvre-chef, en plus des bottes) et juste au-dessus des yeux qui feraient fondre un glaçon en Antarctique. Laé le grand s’entoure aussi d’une bande d’amis, et de courir avec eux sur le chemin de l’école pour le plaisir de faire la course et de paraître plus rapide, plus sportif, plus… plus et encore plus… Être plus, c’est assez sympa en fait. Ce serait d’ailleurs parfait si les frères étaient dans le même temps moins… moins et aussi moins… Comme ça il pourrait confortablement être plus… Ça arrive ceci dit, et… de plus en plus! Il est ainsi plus rapide que ses frères à engouffrer les glaces, et plus prompt aussi à comprendre les règles de grammaire qu’ils se sont jadis arraché les cheveux à comprendre. L’aspirant ado est donc en pleine comparaison, mais il veut pousser plus haut et s’en donne les moyens. Il attend son tour, mais prend aussi les devants et c’est un jeu joliment plaisant!

Vient le tour de l’ado en bouton. Lui voit bien cet âge curieux arriver, mais semble ne pas trop s’en soucier, ou s’en apercevoir. Il vole au-dessus du quotidien et ne touche pas terre. Les tracasseries et le concret de chaque jour l’ennuient, il veut décider ce qu’il fait de son temps et se fiche un peu de la façon dont le monde réagit à ces mouvements auxquels il donne si généreusement un élan. L’ado en bouton se faufile donc dans la vie comme un acrobate, et il y réagit en dent de scie. Une remarque anodine le transforme en hydre de Lerne, tant est vive sa colère soudaine. Il se met en boule et nous fait comprendre avec une indignation qui colore joliment ses joues en rose cramoisi que, décidément, nous ne sommes, nous ses parents, que de vieux cons injustes qui n’avons rien compris. Soit. Un commentaire le blesse, le voici tout en larmes, et il arrive à nous fendre le cœur tant est lourde sa détresse. Mais un compliment, et le soleil éclabousse les murs de la pièce. Rien ne l’arrête alors, il va dompter le monde avec le lasso de sa seule volonté, et rien ne pourra faire obstacle! Le bouton s’apprête à éclore, et il est content de son sort, même si l’incertitude de l’aventure le fait encore hésiter sur le pas de la porte. Il se lance des défis et parvient à en venir à bout. C’est là qu’il mesure de quoi il est capable. C’est ainsi que Sacha a parcouru en 4 jours une distance de près de 350km en vélo avec son père. Un exploit dont on ne le savait pas forcément capable, et qu’il a réussi avec le sourire et sans une plainte. Vraiment, l’ado en bouton réserve des surprises de taille. Il peine encore à se lover pleinement dans la transformation ingrate qui consiste à changer de peau pour se glisser dans celle, trop grande encore, de l’adulte. Non, l’enfance est trop proche encore, il lui arrive alors de regarder en arrière avec comme des regrets dans les yeux… Puis remet vite la tête droite, et fonce vers la prochaine étape à grandes enjambées qu’il veut décidées.

L’ado en fleur est un poème. Un poème qui s’écrit au fil des jours, tranquillement, au gré des événements qui le sollicitent. Une partition qui se livre dans une mélodie discrète. L’apprentissage d’un âge qui, si on ne le maîtrise pas encore vraiment, évoque déjà ses victoires et ses tourments. L’ado (mâle!) n’a plus à faire ses preuves, sa voix a déjà mué et ses jambes sont couvertes de ces poils si confortables en hiver, quand il faut se tenir chaud. Il découvre les livres et peut sans faillir tenir une journée de temps avachi sur un lit pour assouvir sa passion, quand bien même il fait 30 degrés dehors… L’ado en fleur est adorable d’attentions. Piaget avait bien vu cet altruisme déposé au creux de son cœur et dont il ne saura se débarrasser avant longtemps. Il prête attention aux autres, ce qui le rend aussi vulnérable à la critique, même si son estime de lui commence à s’affermir et lui permet de s’opposer pour toute bataille qu’il juge légitime. Car il peut, comme son petit aspirant ado, partir en guerre, épée à la main et étendard fièrement brandi sur le chemin de l’affrontement. Il a des valeurs, il les comprend, les assume, et se déclare prêt à les défendre. La morale commence à faire son tri dans un cerveau qui veut comprendre et, surtout, classer. Bon, mauvais, efficace, nul, grotesque, puant, cool, overcool, supernul, d’enfer, trop con, relou… Le vocabulaire s’enrichit au contact d’autres compères en manque d’expressions consacrées et dédiées uniquement à leurs rituels de langage et à leurs codes personnels. L’ado en fleur pose des questions, et commence à trouver ses réponses. Il grandit au sens propre et figuré (chez Théo, c’est 1cm par mois en moyenne depuis 2 ans et pointure 46…), engouffre des quantités de nourriture qui justifieraient à elles seules l’usage du maïs transgénique (même si je suis très contre), et reste, avec tout cela, le plus touchant des ados en fleur. Car il n’oublie pas son cœur d’enfant, lui non plus, et sans toutefois regarder en arrière avec le moindre regret, tant il est heureux de vieillir un peu, continue d’être tendre et câlin comme quand il avait encore cet âge béni du tout petit qui réclame de l’amour, rien que de l’amour, toujours de l’amour.

 

Non, vraiment, je nous trouve chanceux, Ben et moi, d’avoir ainsi hérité de ces trésors qui nous étonnent chaque jour et que nous prenons un plaisir fou à voir grandir.

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