Processus créatif

J’ai commencé à écrire sérieusement après la naissance de mon deuxième enfant. Mais avant cela, c’était des tentatives, un peu hasardeuses, mais qui exprimaient bien ce besoin de me poser en écriture comme on arrive dans un pays. Il s’agissait pour moi d’assumer cette envie de raconter dans les mots. Tout le monde aime les histoires. Chacun de nous adore n’importe quel événement de vie, à partir du moment où il nous est raconté comme un déroulement, un conte.

J’avais envie d’écrire aujourd’hui sur le processus créatif. Une expression un peu barbare qui recouvre une réalité pour ceux qui s’acharnent à vouloir tirer d’eux-mêmes toute la lumière des images qu’ils ont dans le cœur. C’est souvent difficile de faire le chemin jusqu’à soi, d’une façon qui soit à la fois naturelle, authentique et fidèle à ce que l’on souhaite exprimer. Souvent, on pense qu’il suffit de… prendre le pinceau, tirer l’idée par le bout de la queue, lancer les mots dans l’air, sortir l’instrument… Mais si les choses peuvent effectivement se passer ainsi, il faut souvent beaucoup d’autres ingrédients pour la petite popotte créative que nous avons sur le feu.

J’aimerais donc partager avec vous quelques trucs qui m’aident à créer. Parce que les recettes sont légions, elles ne correspondent pourtant pas toujours au plus grand nombre… Ce qui m’a toujours aidée, en revanche, est la lecture des bouquins de Julia Cameron, grande prêtresse de la créativité. Et puis laisser du silence autour de soi. Ou plutôt un silence composé : accompagné de musiques signifiantes pour moi, qui me transportent dans un ailleurs qui résonne avec le fond de mon être. Créer l’espace, aussi. Avoir un endroit à soi, si petit soit-il, où on peut se laisser aller à créer sans se faire interrompre, juger ou mettre en boîte. Une pièce, un bout de lieu que l’on aura investi avec ses objets personnels, ses grigris, décoré avec des éléments que l’on aime et qui nous sécurisent.

Et puis sentir le moment. L’inviter chez soi, en réalité. Cela signifie faire un trou dans un emploi du temps peut-être bourré à craquer, et le défendre contre vents et marées. Ce moment est pour vous seul(e). Un instant de vie dédié à laisser l’intérieur de votre vie prendre le pas sur l’extérieur. Quand les mots, les sons, les couleurs prennent le pas sur le bavardage du quotidien pour exprimer des idées nouvelles, manifester des émotions et simplement vivre d’une autre façon. Accompagner de musique ces instants est très inspirant pour moi. Le piano aide beaucoup, ou des musiques sans paroles qui viendraient parasiter de sens la page vide où j’ai besoin de laisser aller la plume. Nurturing process.

Pour aller au-devant de soi, il faut laisser intacte la volonté de dépasser ses limites et y aller. Quoi qu’il en coûte à l’ego, qui voudrait toujours que tout soit parfait. Pour cette raison, je me laisse toujours écrire au kilomètre dans une histoire. Je me dis toujours que je ferai les coupes après. Et dans mon dernier livre, même après la 4ème version, je pense que j’aurais pu couper encore 😉 Mais se laisser créer. Imparfaitement. Car sur le sentier que l’on a choisi d’emprunter, la démarche n’est pas parfaite, les cailloux font dévier le pied, le ruisseau doit être enjambé et pas toujours de la façon la plus artistique qu’il soit… L’important est simplement d’avancer, et de rester toujours fidèle à soi. C’est une manière d’exprimer au monde que l’on est singulier et que l’on se donne le droit d’être, quoi que les autres pourront jamais en dire. C’est notre droit fondamental, et que ceux qui ne créent pas se gaussent dans leur coin, nous avons ce besoin et nous y répondons par nous-mêmes, en toute autonomie.

Une autre voie qu’il m’a fallu longtemps travailler, c’est l’attente. Car il est arrivé souvent que je me reproche à moi-même de ne pas écrire, de ne pas faire alimenter la source créative plus régulièrement. En réalité (et j’ai mis un temps fou à le comprendre !), le processus créatif est sinueux, s’évapore à un endroit pour ruisseler à un autre, il s’échappe mais son courant est très fort… Alors il s’agit parfois d’accepter simplement que le repos est comme un compost d’idées qui se croisent, s’emmêlent et finiront par nourrir le prochain texte, la prochaine peinture, le prochain morceau de musique… Il faut toujours garder cette confiance là, dans toutes les activités que nous réalisons. Garder ce moment d’échange avec une amie dans un café, le sourire du môme croisé dans la rue la veille, le jeu avec le chat sur le canapé, la promenade au bord de l’eau alors qu’il pleuvait… Tout est bon pour le cours d’eau créatif qui va s’insinuer dans toutes les pores du quotidien pour nourrir les travaux de création à venir. Nul ne peut savoir comment ce courant-là va ensuite imprégner les œuvres qui ne sont pas encore créées. Mais il faut rester à l’écoute, aux aguets de ces signaux. Rester confiant que le travail se fait, malgré soi. Et si un jour se termine, où on n’a pas écrit plus de trois phrases, et bien ces phrases seront peut-être le début d’un quelque chose qui fera tout chavirer, qui viendront changer le cours de l’histoire.

C’est une expérience de lâcher prise, au demeurant. Accepter que la création suive son petit but obstiné qui nous échappe, un peu comme l’oiseau capricieux qui ne viendrait pas, chaque fois que nous déposons les graines devant la fenêtre à son intention, mais seulement quand il l’a décidé.

 

N’hésitez pas à partager dans les commentaires comment vous vivez ces moments parfois lents et difficiles, ou bien enthousiasmants et tellement riches…

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Une solitude

Aujourd’hui, j’ai envie d’évoquer la solitude. Celle que l’on cultive ou celle que l’on fuit.

Certains jours, il y a la solitude pesante qui laisse penser que nous sommes coupés des autres. C’est lorsque le doute s’invite et se répand comme un poison. Je pense alors à quel point je suis différente, inatteignable, ou pas assez… ceci ou cela. Le doute dresse comme une barrière entre les autres et moi, et pas moyen dans l’instant de réduire cette distance, quand j’aurais tant besoin d’une main tendue. Tellement envie que quelqu’un se penche sur ma douleur et veuille bien la porter avec moi, juste le temps de quelques minutes. On a le sentiment alors que personne ne pourra comprendre, ou que les autres n’ont pas le temps, que cela ne sert à rien et qu’il est vain de chercher à se mettre en lien…  

Il y a aussi des fois où la solitude est ce baume bienfaisant que l’on invite chez soi pour se ressourcer un peu. C’est souvent ainsi que je conçois les moments que je passe seule. Loin de m’effrayer, cette solitude m’attire terriblement, pour les promesses qu’elle me fait de pouvoir renouer avec moi-même. J’ai besoin d’elle pour apprendre à me recentrer, comme lorsque je m’assois le matin pour méditer. C’est alors le silence de la pensée, qui se pose dans le repos calme, shamata. C’est là que j’apprends à écouter.

Ecrire est une autre façon de le faire. Car l’écriture est un acte solitaire, même lorsqu’elle est pratiquée en groupe. J’ai ainsi le souvenir d’un atelier d’écriture que j’avais fait à Montréal, par un WE froid d’hiver. Nous écrivions dans une petite salle, et chacun s’était réfugié dans un coin de la pièce pour s’isoler. J’ai connu là des moments d’une intensité émotionnelle incroyable, à revenir sur ma propre histoire par les mots que je choisissais de coucher sur le papier. J’ai pleuré tant et plus, durant 2 jours, et j’étais seule avec moi-même tout ce temps, malgré la présence bienveillante des autres participants. C’est une solitude qui me plaît et me répare. Elle offre la possibilité de se mettre à l’écoute de soi et de ce qui nous porte, de ce qui nous blesse et de ce qui nous touche. On se met alors au diapason de la vie intérieure qui nous traverse, et cela permet de vivre davantage en cohérence avec la personne que nous sommes profondément. Les choix qui découlent de cette écoute seront tournés vers le nord que nous indique le cœur.

Une autre solitude est celle que je peux cultiver lors d’échappées hors du réseau amical et affectif connu. J’affectionne particulièrement ces moments où je pars, une fois par an, construire ailleurs un moment présent différent, hors de mes repères habituels. Il faut alors que je me rende disponible pour des expériences inédites, en dehors de ce que j’ai l’habitude de faire ou de voir. Je m’en vais marcher seule, ou je loge dans une petite ville que je ne connais pas. J’évite sciemment les rencontres un peu trop poussées, qui dépassent le « bonjour, bonsoir ». Je suis dans ma bulle, et j’ouvre mes yeux à des paysages étonnants. Un peu comme lorsque je voyage en train, un casque sur les oreilles pour écouter de la musique, le nez pointé vers les paysages derrière la fenêtre. Je laisse les pensées faire leurs divagations, me laissant dépourvue de désirs ou de souhaits. Simplement connectée à ce moment qui passe. Cette solitude, c’est un peu retrouver le sens du gratuit. On fait feu de tout bois, et l’on ramasse des petits bouts de quotidien, des miettes de vie, là où elles sont tombées. Sans chercher à faire autre chose que les toucher du bout des mains et s’immerger dans un présent qui ne demande rien. On respire, et sans être dans l’échange, on sent pourtant à quel point on fait partie du tout. C’est l’Universel qui se mêle à ces moments minuscules et nous relie alors au grand tout.

La solitude n’est finalement jamais que relative. Elle est discrètement liée à notre perception, celle qui nous laisse croire que nous sommes isolés des autres, ou au contraire reliés indissociablement à eux. Qui nous fait penser que nous n’avons de valeur qu’en lien avec ceux qui nous aiment ou pas, ou bien que cette valeur n’est pas fonction d’un état particulier. Nous pouvons aussi bien, dans ce cas, considérer que nous sommes une partie du tout, quel que soit notre caractère, notre vie, et nos choix. Et alors peu importe que les gens gravitent autour de nous ou pas, nous sommes intégrés à cette humanité jusqu’à la fin des temps.

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