Se laisser être fragile…

31 décembre. Dernier jour de l’année. Peut-être le moment rêvé de se poser un peu, de réaliser le chemin parcouru durant les mois qui viennent de s’écouler. Beaucoup laissent entendre que l’année a été « pourrie », « difficile », « abominable »… Des qualificatifs désolés pour dire les moments de doute, de découragement, d’impuissance face à l’épidémie, aux contraintes financières vécues par beaucoup, à tout ce magma d’inquiétudes qui s’est déversé sur des existences jusque-là routinières… C’est un stade que je conçois, mais qu’il faut sans doute dépasser, sous peine d’échouer à lancer 2021. Le fait de rester sur le négatif confine à l’impuissance et à la stagnation, par peur. Peur de ne pas arriver à contrôler, d’échouer, peur de ne pas y arriver et de tomber, surtout.

Mon année a été riche en événement que beaucoup pourraient qualifier de négatifs. Pour autant, ma lecture en est toute différente. J’estime avoir atteint un état de bonheur rarement atteint. Une solitude heureuse qui ne doit rien à l’extérieur, et tout à un travail intérieur que j’ai réalisé au fil des moments que j’avais d’abord qualifiés de « difficiles ».

Notre quotidien sera toujours jalonné, de cette façon, d’événements qu’il nous appartiendra de voir comme des couperets ou des opportunités. Notre vision de ce qui arrive teintera la manière dont nous pourrons grandir, ou pas, au travers de ces moments proposés. Il faut aussi réaliser l’importance énorme de nos pensées, nos mots, nos anticipations et nos désirs sur la survenue des événements de notre vie. Nous appelons, par nos vœux inconscients, une bonne part de ce qui vient à nous. A nous d’être conscients de ce pouvoir, et de formuler consciemment les désirs qui nous porterons demain. C’est le jeu des vœux en ce début d’année qui arrivera dans quelques heures. Soyons précis dans nos demandes, et nourrissons l’espoir qui aidera toutes ces belles choses à fleurir sur le terreau de notre vie.

 

Une conclusion à laquelle je suis arrivée, au terme de ces mois tumultueux que je viens de vivre, c’est l’importance vitale de se rendre vulnérable. En amour, plus qu’ailleurs, il s’agit d’une attitude indispensable pour oser une vraie rencontre authentique. A mes yeux, la vulnérabilité est cette capacité à se tenir debout face à l’autre dans toute notre nudité. Cela signifie que l’on est prêt à se montrer dans toute sa vérité, les défauts comme les qualités, les zones d’ombre comme les endroits lumineux. Cela suppose de connaître déjà ce qui nous anime de l’intérieur, et d’avoir posé le doigt sur ces parties de nous qui nous plaisent moins. Ou, à défaut de les avoir visitées en profondeur, de les accepter.

Se rendre vulnérable, c’est aussi accepter de donner et de recevoir sans attentes. Donner sans attentes, c’est-à-dire sans avoir besoin d’un retour de la part de l’autre, qui choisira ce qu’il souhaite faire du présent, en toute liberté. Recevoir sans attentes, c’est être capable de tendre les mains pour que l’autre y dépose ce qu’il a à donner. Il importe alors, si on n’a pas eu l’habitude de recevoir, d’accepter la fragilité de se sentir, peut-être, redevable. Un sentiment invivable pour certains, en ce qu’il crée comme un devoir de rendre, qu’il donne à l’autre un pouvoir sur nous : celui de reprendre, ou d’utiliser ce qui est donné pour imposer ou contraindre.

En amour, savoir recevoir, c’est se montrer fragile en dépassant ce sentiment de vouloir donner en retour. Accepter le cadeau, et simplement se sentir reconnaissant. Se montrer vulnérable, c’est accepter de l’autre ce qu’il a à donner, sans savoir la forme que cela pourra prendre. Sans chercher à contrôler ce qui arrivera. Une posture d’ouverture et d’accueil qui donne à l’autre la possibilité de se déployer en toute liberté. C’est contraire à ce que beaucoup d’entre nous ont appris : le contrôle est souvent la protection ultime qui nous a été utile, petit, lorsque nous devions nous protéger, nous conformer aux demandes inconscientes qui nous étaient faites.

L’amour demande que cette armure-là tombe, et que le contrôle nous échappe pour accueillir ce qui vient de l’autre de la façon dont l’autre a besoin de le transmettre. Sans vulnérabilité, le contrôle garde la citadelle de l’ego et rien ne circule… Le contrôle empêche la fragilité et éteint l’amour aussi sûrement que l’eau étouffe la flamme. Imaginez seulement une nuit d’amour où l’un arrive nu tandis que l’autre a enfilé une armure en cuir et en métal ! Et l’ego, il a toute sa place, mais en amour, force est de constater que leur coexistence amène rarement l’abandon. Lâcher prise est indispensable pour se rendre fragile, et c’est précisément ce que l’ego fuit par-dessus tout ! La vulnérabilité en amour impose alors que l’ego soit relégué dans un tout petit espace où il ne viendra pas se mettre en travers du chemin et tenter à tout prix de faire respecter ses lois. Se rendre vulnérable, c’est accepter de rester humble…

Pour 2021, je nous invite à accueillir la vulnérabilité qui permet à l’amour de circuler librement. Certains appellent cela se mettre en position de faiblesse. Je trouve plus juste de dire en position de réceptivité. C’est une manière de s’accueillir soi, dans toutes ses dimensions, et d’accueillir ce que l’autre a à donner, quoi que ce soit. Ce n’est qu’à cette condition que l’amour pourra s’épanouir en toute liberté et l’énergie circuler. En 2021, l’amour pourrait bien prendre toute la place, et c’est sans doute ce dont le monde a besoin aujourd’hui, plus que jamais.

 

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