Une solitude

Aujourd’hui, j’ai envie d’évoquer la solitude. Celle que l’on cultive ou celle que l’on fuit.

Certains jours, il y a la solitude pesante qui laisse penser que nous sommes coupés des autres. C’est lorsque le doute s’invite et se répand comme un poison. Je pense alors à quel point je suis différente, inatteignable, ou pas assez… ceci ou cela. Le doute dresse comme une barrière entre les autres et moi, et pas moyen dans l’instant de réduire cette distance, quand j’aurais tant besoin d’une main tendue. Tellement envie que quelqu’un se penche sur ma douleur et veuille bien la porter avec moi, juste le temps de quelques minutes. On a le sentiment alors que personne ne pourra comprendre, ou que les autres n’ont pas le temps, que cela ne sert à rien et qu’il est vain de chercher à se mettre en lien…  

Il y a aussi des fois où la solitude est ce baume bienfaisant que l’on invite chez soi pour se ressourcer un peu. C’est souvent ainsi que je conçois les moments que je passe seule. Loin de m’effrayer, cette solitude m’attire terriblement, pour les promesses qu’elle me fait de pouvoir renouer avec moi-même. J’ai besoin d’elle pour apprendre à me recentrer, comme lorsque je m’assois le matin pour méditer. C’est alors le silence de la pensée, qui se pose dans le repos calme, shamata. C’est là que j’apprends à écouter.

Ecrire est une autre façon de le faire. Car l’écriture est un acte solitaire, même lorsqu’elle est pratiquée en groupe. J’ai ainsi le souvenir d’un atelier d’écriture que j’avais fait à Montréal, par un WE froid d’hiver. Nous écrivions dans une petite salle, et chacun s’était réfugié dans un coin de la pièce pour s’isoler. J’ai connu là des moments d’une intensité émotionnelle incroyable, à revenir sur ma propre histoire par les mots que je choisissais de coucher sur le papier. J’ai pleuré tant et plus, durant 2 jours, et j’étais seule avec moi-même tout ce temps, malgré la présence bienveillante des autres participants. C’est une solitude qui me plaît et me répare. Elle offre la possibilité de se mettre à l’écoute de soi et de ce qui nous porte, de ce qui nous blesse et de ce qui nous touche. On se met alors au diapason de la vie intérieure qui nous traverse, et cela permet de vivre davantage en cohérence avec la personne que nous sommes profondément. Les choix qui découlent de cette écoute seront tournés vers le nord que nous indique le cœur.

Une autre solitude est celle que je peux cultiver lors d’échappées hors du réseau amical et affectif connu. J’affectionne particulièrement ces moments où je pars, une fois par an, construire ailleurs un moment présent différent, hors de mes repères habituels. Il faut alors que je me rende disponible pour des expériences inédites, en dehors de ce que j’ai l’habitude de faire ou de voir. Je m’en vais marcher seule, ou je loge dans une petite ville que je ne connais pas. J’évite sciemment les rencontres un peu trop poussées, qui dépassent le « bonjour, bonsoir ». Je suis dans ma bulle, et j’ouvre mes yeux à des paysages étonnants. Un peu comme lorsque je voyage en train, un casque sur les oreilles pour écouter de la musique, le nez pointé vers les paysages derrière la fenêtre. Je laisse les pensées faire leurs divagations, me laissant dépourvue de désirs ou de souhaits. Simplement connectée à ce moment qui passe. Cette solitude, c’est un peu retrouver le sens du gratuit. On fait feu de tout bois, et l’on ramasse des petits bouts de quotidien, des miettes de vie, là où elles sont tombées. Sans chercher à faire autre chose que les toucher du bout des mains et s’immerger dans un présent qui ne demande rien. On respire, et sans être dans l’échange, on sent pourtant à quel point on fait partie du tout. C’est l’Universel qui se mêle à ces moments minuscules et nous relie alors au grand tout.

La solitude n’est finalement jamais que relative. Elle est discrètement liée à notre perception, celle qui nous laisse croire que nous sommes isolés des autres, ou au contraire reliés indissociablement à eux. Qui nous fait penser que nous n’avons de valeur qu’en lien avec ceux qui nous aiment ou pas, ou bien que cette valeur n’est pas fonction d’un état particulier. Nous pouvons aussi bien, dans ce cas, considérer que nous sommes une partie du tout, quel que soit notre caractère, notre vie, et nos choix. Et alors peu importe que les gens gravitent autour de nous ou pas, nous sommes intégrés à cette humanité jusqu’à la fin des temps.

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La solitude improbable du rêveur

Je suis au milieu d’un bouquin que j’écris sur les rêves. Et pour cela, je rencontre des rêveurs. Pas des gens hors du commun, bizarres ou aux parcours aberrants. Non. Des personnes comme vous et moi, et qui ont pourtant ce petit quelque chose de différent. Qui savent entretenir des projets un peu fou dans un quotidien balisé. Des gens qui ne se laissent pas pourrir par les critiques ou les avis négatifs que d’aucuns pourraient avoir sur leurs projets. Des hommes et des femmes qui suivent leurs aspirations profondes et qui foncent, sautent, risquent et se lancent. Et puis parfois ressort cette remarque chez certains. Ce sentiment de solitude par rapport aux limites de ce qu’ils peuvent partager de leur doux délire avec les autres. Il n’est en effet pas si rare que les autres ne veuillent pas entendre les histoires des personnes qui sont trop éloignées de leur trajectoire personnelle, ou les récits jubilatoires de quelques rêveurs qui réalisent ce qu’eux-mêmes peinent à seulement envisager dans leur quotidien. C’est vrai : vivre une vie différente condamne parfois à un certain degré de solitude. Je me sens proche de cette analyse, avec toutes ces parenthèses incroyables que nous avons pu vivre en famille. On peut alors partager des bons moments, des joyeusetés, des légèretés passagères, mais les vrais échanges profonds, on les garde pour ceux qui peuvent les recevoir. Comme si le terme « extra terrestre » nous collait au visage, en filigrane. Alors qu’on n’a pas l’impression, au fond, d’être si différent. On a juste envie, besoin, de vivre une vie qui ait du sens à nos yeux. Mais le cercle invisible est là, qui n’est pas souvent franchi par d’autres qui ont des vies plus conventionnelles. C’est ainsi, c’est le jeu. N’empêche que ça fait diablement plaisir de recueillir les témoignages de ces personnes que je rencontre et qui ont un courage incroyable, celui de réaliser leurs rêves au quotidien. Trop hâte de vous les présenter !

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